5.1.2La création d'entreprise dans les NTIC présente de fortes spécificités par rapport aux autres secteurs
Plus que dans d'autres domaines, la création d'entreprises dans les NTIC concerne les jeunes pratiquement dès la fin de leurs études comme bien des success-stories le montrent (ce qui ne veut pas dire comme nous le verrons plus loin quelle ne concerne que les jeunes)
En effet
5.1.2.1Dans beaucoup de projets peu d'expérience professionnelle requise pour démarrer
Créer une entreprise dans certains créneaux des technologies de l'Internet demande très peu d'expérience professionnelle: ces métiers étant radicalement nouveaux, un jeune aujourd'hui, à la sortie du système scolaire dispose d'un bagage technique et d'idées neuves que n'a souvent pas un cadre plus âgé ;
Microsoft vient de recruter pour orienter sa stratégie et former ses directeurs afin de percevoir les besoins emergents de la société, 2 consultants : Jennifer Corriero 19 ans et Michael Furdyk 17 ans qui a créé sa première entreprise à 15 ans (MyDesktop.com et l'a revendue depuis)
Sans même prendre en compte les innombrables start-up qui n'ont pas encore fait leurs preuves, la listes des succès remportés par des entrepreneurs de moins de 25 ans (et parfois même de 20) est impressionnant: quelques exemples
Shavin Fanning n'a que 18 ans quand il fonde Napster qui, moins d'un an après sa création, remet en cause le modèle économique imposé jusque là par les 5 majors ébranlant ainsi tout un secteur économique bien établi
Marco Börries n'avait que 16 ans lorsqu'il a créé Star Division (logiciel libre qui a conquis 30% du marché allemand de la bureautique et qui vient d'être racheté par Sun)
Acses auteur de DealPilot.com, un des leader des "shopbots" qui vient d'être racheté par Bertelsmann a été créé par des étudiants allemands agés de 20 ans
Alex Hartman, un lycéen de 17 ans vient de signer un contrat de 1 million de dollars pour un logiciel simplifiant les connections internet : il avait fondé son entreprise (Amicus www.amicus.com ) à 15 ans (le Monde
Les fondateurs de Mirabilis (ICQ www.mirabilis.com ) n'avaient pas terminé leurs études à l'université de Jérusalem, 18 mois plus tard ils avaient 10 millions d'utilisateurs
Orianne Garcia a 22 ans quand elle crée Caramail revendu 5 ans plus tard 500MF au suédois Spray
Mike Lynch a 23 ans lorsqu'il fonde Autonomy moteur de recherche contextuel à Cambridge, elle vaut aujourd'hui 3,2 Milliards de £
CheckPoint (antivirus) www.checkpoint.com a été créé en 1993 à Tel Aviv par trois jeunes à l'issue de leur service militaire, à trois ans elle rentre au Nasdaq et y lève 60 M$, fin 1998 sa valeur boursière était de 1,13 milliard de dollars
Fabrice Grinda fonde Aucland www.aucland.fr à 24 ans, il vient d'en céder la majorité à Bernard Arnault pour 120MF
Justin Frankel, 20 ans, étudiant en première année à l'Université de l'Utah a vendu sa société (Nullsoft www.nullsoft.com) pour 100 millions de dollars à AOL : il avait développé en 1996 un logiciel pour lui et ses amis afin de mieux comprimer le son (MP3).
C'est également un groupe d'étudiants qui a créé Firefly, www.firefly.com récemment racheté par Microsoft. En juillet 1999, lors de son introduction en bourse, MP3.com représente les 2/3 de la valeur boursière d’EMI group, la troisième plus grosse maison de disque
L'Allemande "de l'Est", Stephan Schambach n'a que 22 ans quand il créé Intershop www.Intershop.com qui est devenu, à côté de SAP le leader Allemend de la nouvelle économie
Martha Lane Fox a 25 ans quand elle crée lastminute.com
Steve Jobs n'a que 21 ans quand il fonde Apple
Marc Andressen est agé de 23 ans à la naissance de Netscape
Michel Meyer a 25 ans quand il créa Multimania www.multimania.fr, un des sites français aujourd'hui les plus consulté (hébergement de pages personnelles et de communautés virtuelles)…et il avait déjà créé le célèbre site francophone "the virtual baguette" www.baguette.com lors de son séjour en Californie
C'est au même âge qu'Alexandre Ross fonde Lokace www.lokace.com avec Orianne Garcia 23 ans que Sébastien Forest lance Eat On Line www.eatonline.fr ou que Bernard Candau crée Chman, le premier site qui crée des contenus de jeu optimisés pour les hauts débits (interactivité comportementale: voir la maquette sur www.banja.com )
Henri Tebeka et Eric Constantini "récidivistes" avec la création d'Aplio www.aplio.com (téléphones IP) avaient créé leur première entreprise, Kortex international, www.primenet.com/~towens/ISDN/kortex.htm alors qu'ils étaient étudiants, dans une cave à Sarcelle
Sébastien Pissavy était également étudiant lorsqu'il créa avec ses copains l'Odyssée Interactive, aujourd'hui leader francophone des webzines de jeux
Nicolas Gaume avait 19 ans lorsqu'il créa Kalisto Entertainment www.kalisto.com qui emploi aujourd'hui, 4 ans après sa création 200 personnes à Bordeaux et exporte 98% de son chiffre d'affaire
Buycentral, moteur de comparaison de prix créé par des étudiants à la fin de leurs études en juin 1999 emploie un an plus tard 40 personnes dans 4 pays
Jérémie Berrebi Pdg de Net2One www.net2one.fr (ex-Centralcast) et président pour la France de l'association française des webmestres www.iwanet.org &w n'a que 21 ans quand il lève 10MF pour internationaliser son entreprise comme Alexandre Dreyfus Pdg de WebCity &w qui de son côté obtient 12 MF de capital risque au même mois d'août 1999 (Alexandre Dreyfus qui n'a pas même son bac crée sa première entreprise à 18 ans à Lyon, aujourd'hui à 21 ans il est à la tête de webcity.fr présent dans 8 villes françaises (réseau de sites web de proximité) et son chiffre d'affaire commence à se compter en millions)
Paul Gautier 26 ans cofondateur d'Inktomi vient déjà d'entrer dans la liste des hommes les plus riche du monde de "Fortune" avec 418 millions de dollars (certes loin encore de Michael Dell qui a créé Dell à 19 ans 21,49 Milliards de dollars et de Jeff Bezos (35 ans 5,7 Milliards de dollars) ou Steve Case qui a fondé Aol à 27 ans (valeur : 350 milliards $) sans parler de Bill Gates qui a fondé Microsoft à 19 ans en compagnie de Paul Allen 22 ans (valeur 500 Milliards de $)
Sans compter les nombreux sites qui, sans être des entreprises recueillent déjà un trafic très significatif : un site de "confession" www.javoue.com réalisé par Daniel 14ans cité par Le Monde et d'innombrables sites de ventes ou d'échange de jeux comme les Pokémon
Pour les domaines nécessitant une bonne connaissance d'une profession ou des réseaux de confiance qui ne peuvent être établis que par une longue vie professionnelle, n'oublions pas qu'une création d'entreprise est, contrairement à d'autres secteurs professionnels, très rarement le fait d'une personne seule: quasi systématiquement c'est l'œuvre d'une équipe aux compétences complémentaires (la qualité et la cohérence de cette équipe sont d'ailleurs un des critère essentiel d'un investisseur)
L'exemple des très nombreuses start-up que nous avons par exemple rencontrées dans le réseau de business angel Léonardo montre que très souvent ces équipes savent associer l'œil neuf et la maitrise technologique du jeune diplomé et la longue pratique professionnelle d'un cadre qui prend souvent la responsabilité du marketing ou de la gestion
5.1.2.2On peut distinguer trois catégories de petites entreprises: les enfants les nains et les pygmées -
Les premiers, les enfants sont en forte croissance ont besoin d'être bien alimentés, ce sont eux qui retiennent en général principalement l'attention de par leurs résultats spectaculaires
-
Les seconds, les nains ont vu leur croissance interrompue par un dysfonctionnement hormonal auquel il est parfois possible de remédier : c'est souvent un problème de management quand la technique prend trop le pas sur le marketing. Ce sont souvent des proies pour les premiers
-
Mais il ne faut pas pour autant négliger les troisièmes, les pygmées dont la taille pour être petite, n'en est pas moins normale à l'âge adulte :
Les entreprises pygmées, placées sur des niches correspondant à un petit créneau de marché, ou dans lesquelles il n'y a pas beaucoup d'économies d'échelle à attendre, (comme d'ailleurs c'est le cas dans beaucoup d'autres secteurs industriels: conseil, design, petits crénaux très spécialisés,…) correspondent à une partie significative et tout à fait importante du tissu industriel qui, pour être moins spectaculaire, ne doit pas être négligé :
Le Monde citant le livre de Denis Ettighoffer (e-business génération) indique qu'aux USA se créent ainsi chaque mois 15.000 nouvelles cyber-micro-entreprises
Yves Riquet, 60 ans passionné du "bas couture" assure la survie de l'usine de Montceau les Mines, menacée de fermeture, en commercialisant 22.000 paires de bas notamment au Japon grâce à un site riche en "softselling" www.sodibas.com Le Monde 24 sept 99
Les étoiles les plus brillantes ne doivent pas nous aveugler au point de nous empêcher de voir la Voie lactée
5.1.2.3Pour démarrer peu de capitaux sont nécessaires
Au moins dans un tout premier stade, créer une entreprise dans ce domaine, demande très peu de capitaux et aux Etats Unis la possibilité de payer en stock options collaborateurs, conseils et fournisseurs diminue encore le besoin de "Cash" au démarrage comme le rappelle Alex Gonthier voir page183
Realviz, www.realviz.com spécialisée dans la production d'effets spéciaux a démarré en mars 1998 avec l'apport de 100 kF de chacun de ses 6 membres fondateurs, ils ont ensuite vu leurs capital abondé de 500kF par l'arrivée de 2 business Angels: Alain Tingot, l'ex-président de Siemens-Nixdorf France et Jean-Marie Hulot, l'ex-bras droit de Steve Jobs chez Next. 6 mois plus tard un groupe de capital risque franco-suédois apportait 5 MF pour…20% du capital
Frédérique Artru a créé Odisei www.odisei.com en février 1998 avec 500.000 francs, et il l’a revendu, 18 mois après, pour 80MF au groupe américain 8*8
C'est avec la même somme récoltée auprès de 5 amis qu'a démarré Marc Refabert créateur du célèbre "fromage.com www.fromages.com
pour les entreprises de services les besoins sont quasi nuls:
CDNow www.cdnow.com a démarré dans le traditionnel garage familial,
Rouge-Blanc www.rouge-blanc.com (négoce international de vin) a démarré en 1997 avec 50.000F,
Vinternet www.vinternet.fr/index.html a été créé par Marc Perrin et Rodolphe Boivin (27 ans chacun) avec la même somme
Teach&Toy créé en 1996 par Jean-Baptiste Gayet, avec 30.000F www.teachandtoy.com (dont 2.000F pour le site, 1.500F pour le logiciel serveur sécurisé SSL, plus le coût du dépôt de marque à l'INPI www.inpi.fr)
l'Odyssée interactive www.jeuxvideo.com voir page 52 démarré avec les économies des étudiants-créateurs s'est autofinancé
Catherine Leroy, PieceUnique.com: mon site me coûte 39$/mois pour l'hébergement, 35$/mois pour le système de paiement et 24$/mois pour un accès permanent à internet il est vrai que ce sont des tarifs américains
Par ailleurs, même si pour les entreprises ayant pu saisir un créneau commercial à très forte croissance les besoins de financement peuvent s'avérer extrêmement important très rapidement, il ne faut pas pour autant oublier que toutes les PME n'ont pas des rythmes de croissance identique : les pygmées peuvent normalement s'autofinancer
5.1.2.4Un jeune diplômé est naturellement bien en phase avec ces nouveaux marchés
Les internautes ont aujourd’hui 13 ans de moins que la population moyenne, ont fait des études supérieures à 80 % et disposent néanmoins d'un revenu double de celle-ci : c'est un public qu'un jeune diplômé est particulièrement à même de "sentir"
L'internaute « consommateur » a l'esprit critique, il est allergique à toute forme de matraquage ou de manipulation : Il constitue ainsi une cible très différente de celle qui sert de référence au marketing classique (la traditionnelle et caricaturale "ménagère de 50 ans") et à la TV (considérée par beaucoup d’internautes comme "une machine destinée à l'abrutissement distractif des masses" (C. Huitema, Chief scientist des Bell Laboratories) ;
Certains pourraient objecter que l'usage d'internet se banalise et que la population des internautes se rapproche de la moyenne. Cela est indéniable pour les usages bien établis mais il nous semble qu'il n'en va pas de même pour les développements innovants comme par exemple ceux qui vont découler de l'internet à haut débit
Même sur le plan pathologique l'internaute se distingue par son soucis de dépassement: ses médicaments préférés sont le Viagra et la Nandrolone
L’internaute « créateur », entrant dans la vie active, est particulièrement à même de sentir le décalage entre les aspirations des jeunes de sa génération et le système économique issu de l'histoire et donc les opportunités de développer des initiatives nouvelles
Quelques exemple typique :
ICQ (I seek you) est parti de l'initiative de trois jeunes au sortir de leur service militaire qui ont ressenti le besoin d'un outil permettant à des internautes de bavarder entre eux sur le Web de façon simple et économique : ils ont revendu leur jeune entreprise 587 millions de dollars à AOL
MP3 développé par un jeune étudiant, Justin Frankel, pour stocker des partitions musicales pour ses copains
Eat On Line créé par Sébastien Forest est né, un soir après une longue journée de travail, du constat qu'il était extrêmement long et difficile de se faire livrer un repas à domicile de façon improvisée avec le chois du style de cuisine, la possibilité de consulter une carte…et pas de mauvaises surprise sur la qualité ou les coûts
Teach&Toy créé par un tout jeune papa, Jean-Baptiste Gayet qui cherchait en vain des jeux éducatifs pour sa progéniture
Les créateurs de geocities ont, pour leur part, eu l'idée d'offrir gratuitement aux internautes des outils pour créer leur home page ainsi que l'hébergement de celles-ci (3,5 millions de sites, 32 millions de pages vues, valeur boursière 5milliards de dollars
De même Yahoo! est partie du constat, en 1995, par deux jeunes universitaires, Jerry Yang et David Filo, qu'il manquait à leurs camarades un annuaire des sites, car ceux-ci se faisaient de plus en plus nombreux et il devenait difficile de s'y retrouver : ils créèrent alors le "Jerry's guide to the www"(dernières estimations boursières 35 milliards de dollars pour 200 millions de dollars de chiffre d'affaires et un effectif de 600 personnes, Yahoo! est contrôlé à 31% par le japonais Softbank)
1999 a vu une croissance brutale des vocations de créateurs d'entreprises tant dans les Ecole d'Ingénieurs que de Commerce. Un patron déclarait récemment aux Echos "avant les étudiants d'HEC nous contactaient en quête d'un stage, aujourd'hui ils viennent nous demander 20MF"
5.1.2.5Les artistes aussi
Sans doute est-ce parce qu'ils sont par essence ceux qui "sentent" les décalages entre ce qui se fait et ce à quoi certains aspirent ils sont particulièrement à même de trouver les premiers les créneaux pertinents
Patrick Robin créateur d'Imaginet, Régie Online etKangaroo Village était éditeur d'art
Michel Forgues et Jean Chouraqui, experts et marchands de tableaux à Toulouse souhaitaient pouvoir présenter leurs tableaux à leurs clients.
Experts pour Sotheby's ils découvrirent à New York les possibilités d'internet et eurent l'idée de faire fabriquer des cartes format carte de visite la ViewCard, qui grâce à des épaulements et à un équilibrage parfait pouvaient être lues dans n'importe quel lecteur de CD Rom.
Avec 14Mo de mémoires (80 demain avec le format DVD)ces cartes ont un marché considérable par le seul fait que le geste consistant à offrir une carte est symboliquement très différent de celui consistant à offrir un CD. L'entreprise est sur le point de décrocher le marché des jeux Olympique de Melbourne.
Catherine Leroy créateur de Pieceunique.com était photographe voir page 152
5.1.2.6Un domaine où la croissance de l'entreprise et la maîtrise d'un marché l'emporte sur une vision patrimoniale de contrôle et de transmission familiale
Le caractère extrêmement évolutif tant des technologies que des marchés condamne toute approche statique ou malthusienne : elle implique souvent que le chef d'entreprise sacrifie son pouvoir en acceptant des prises de contrôle majoritaires pour ne pas brider l'expansion de son affaire (ce qui la conduirait dans bien des cas à la disparition) : Le nombre de sociétés rachetées par d'autres entreprises est 8 fois plus élevé que le nombre d'introductions en bourse
"Ce qui est important ce n'est pas de faire des bénéfices, bien au contraire : ce qui est important c'est de gagner de l'argent. Si l'entreprise fait rapidement des bénéfices, c'est soit que l'idée n'était pas très intéressante, soit qu'elle a été gâchée en n'investissant pas massivement dès le départ pour devenir la référence mondiale dans le domaine"
Eric Benhamou CEO de 3Com
Un éditeur américain renchérit dans Editor&Publishers: "si quelqu'un gagne de l'argent aujourd'hui sur internet…c'est qu'il n'investit pas assez" (ce qui ne veut pas dire jeter l'argent par les fenêtre, car le principe inverse n'est pas vrai : il ne suffit pas de perdre de l'argent pour en valoir beaucoup!!!…)
Dans les NTIC, le créateur se focalisera davantage sur la création de plus-values, gage de croissance forte à terme, que sur la réalisation de bénéfices rapides :
"ses deux repères sont le burn et le stock" : le "burn est la quantité d'argent "brûlé", c à d dépensé chaque mois et le "stock" est la valeur boursière
"le plus grand risque d'échec est la panne de trésorerie au moment fatidique" Serge Cuesta Pdg de Synchronix www.synchronix.com dans l'Essonne, (créateur du logiciel Bootsweb qui assure diviser par 2 ou par 3 les temps de connexion au web),
et Pierre Haren créateur d'Ilog, de renchérir "le Pdg d'un grand groupe, membre de notre conseil avait conduit au départ le groupe à stagner dans son développement avec le principe "on ne peut dépenser plus d'argent qu'on en gagne". Nous n'avons compris que plus tard que la véritable contrainte, mais celle-là est mortelle, est de ne pas en dépenser plus que ce qu'elle en a et que la différence ce sont les fonds propres…"
5.1.2.7L'apparent paradoxe d'une économie de standards: la valeur d'une start-up est un multiple de ses pertes des premières années
Ce paradoxe n'est qu'apparent car, comme nous l'avons vu nous nous trouvons dans une économie de standards où les investissements de départ sont importants (développements techniques et marketing) et les coûts de "production" sont extrêmement faibles: il importe donc de prendre le plus rapidement possible 30 à 40 % du marché mondial pour devenir "la référence du secteur".(une entreprise comme Oracle qui a maintenant 40.000 personnes a connu un taux de croissance de 100% par an depuis 10 ans)
Dès la barre fatidique franchie, la rentabilité augmente considérablement (puique les coûts de "production" sont faibles (quasi nuls pour les start-up ne fabricant pas de produits physique) et les rentrées financières sont proportionnelles au nombre de clients)
Par ailleurs les développeurs d'application, soucieux de leurs propres débouchés, capitalisent sur le produit "phare" en délaissant ceux qui représentent une part de marché trop faible, entrainant un phénomène "boule de neige" en faveur du produit qui a su devenir le "standard de fait". On passe ainsi sans grand effort de 30 à 80 % du marché.
La rentabilité devient alors considérable et permet, grâce à cette rente de situation, "d'achever" les concurrents (en les rachetant et en finançant l'amélioration du produit leader afin qu'après la bataille il devienne effectivement le meilleur).
La bataille Microsoft-Apple est sans doute la plus emblématique de cette logique mais elle est loin d'être un cas isolé.
C'est bien cette démarche qui a assuré en France le succès du Minitel : distribution gratuite du terminal entrainant un très fort déficit les premières années, (qui a fait tant hurler en son temps la Cour des Compte), suivi d'une longue période de traite des vache à lait (qui se poursuit discrètement aujourd'hui encore)
…et qui a conduit à son échec à l'international, car il ne suffit pas que sa technologie ne soit pas la plus performante, encore aurait-il fallu se donner les moyens financiers pour l'imposer comme un standard au niveau mondial
Il convient donc de lancer le produit sur le marché, même sans attendre qu'il soit parfaitement au point et doté de toutes les fonctionnalités dont le créateur voudrait bien le doter.
Plusieurs capitaux risqueurs américains nous ont dit leurs difficultés avec des créateurs français à leur faire mettre leurs produits sur le marché à un stade suffisamment précoce pour ne pas se laisser doubler.
Ils considèrent que
-
De toute façon il restera toujours des bogues et que les clients sont mieux placés pour détecter ceux qui sont vraiment gênants
-
on peut toujours développer de nouvelles fonctionnalités : il est préférable de se concentrer sur celles qui sont demandées par les clients plutôt que par celles qui intéressent le créateur.
Il importe alors que l'entreprise soit à l'écoute de ses clients et soit extrêmement réactive pour corriger les défauts signalés ou développer les fonctionnalités demandées.
Dans les deux ou trois premières années le chiffre d'affaire est quasiment nul (Or les premières années les revenus sont quasi-nuls puisque pour imposer ses produits encore imparfaits il est peu courant de facturer les premiers clients en phase de béta-test)
Ce lancement mondial doit être très rapide et il exige des capitaux considérables, bien supérieurs à ceux que nécessite la mise au point technique (en moyenne le marketing représente 63 % du budget pour ce type d'entreprise contre 13 % pour la R & D, le coût d'acquisition d'un nouveau client est estimé selon les marchés à une somme comprise entre 40 et 450$ (45$ pour CDNow, 80$ pour Amazon, 100$ pour Barnes&Noble, 450$ pour Datek)
Autobytel continue à investir les deux tiers de son chiffre d’affaires dans la promotion de son service.
Or le marketing, bien qu'il représente en fait l'investissement majeur, ne peut être comptablement considéré que comme une dépense de fonctionnement, et les frais de développement sont bien souvent eux aussi comptabilisés en frais de fonctionnement.
Comme nous avons vu que le chiffre d'affaire était négligeable le montant du déficit représente en fait celui de l'investissement.
Or cet argent provient, non pas des économies des créateurs (souvent bien faibles) mais de l'argent mis sur le projet par des capitaux risqueurs.
Quand on sait que c'est dans cette profession que l'on trouve les meilleurs spécialistes du sujet on peut conclure que l'ampleur de cet investissement, et donc de ce déficit, est directement liée à la qualité du projet tel qu'il est estimé par les personnes les plus compétentes pour en juger (tant, bien entendu, que les investisseurs se limitent aux personnes compétentes, ce qui n'a visiblement plus été le cas quand la lueur du pactole a attiré de nombreux investisseurs moins expérimentés à partir de l'été 1999…).
Beaucoup ne comprennent pas la différence fondamentale entre des capitaux préalablement levés et investis, conformément à la stratégie prévue par l'entreprise et qui apparaissent comptablement comme des pertes, et des pertes d'exploitations constatées ex-post et qui ruinent une entreprise (la sidérurgie des années 80) et qui nécessitent, sous peine de dépôt de bilan de "boucher le trou".
Du coup fleurissent les articles s'étonnant que tel grand constructeur automobile soit valorisé 4 fois ses bénéfices et telle start-up 50 fois ses pertes!
Si on part du principe que les capitaux-risqueurs qui sont des "pro" du secteur ont un jugement de qualité et qu'ils s'imposent une forte rentabilité de leurs investissements, il est logique que la valeur de l'entreprise soit un multiple de ces capitaux investis et donc, vu de façon purement comptable, un multiple des pertes
Bien entendu quand les investisseurs deviennent plus nombreux et moins compétents, que ce soit des particuliers investissant sur la base de rumeurs mélées d'extrapolations, ou de financiers qui s'appuient sur des ratios sans rien comprendre au buisiness model lui même, on assiste à des phénomènes d'emballement, nécessairement suivis de réajustements qui ne démontrent rien d'autre que la nécessité d'un vrai professionalisme du côté des investisseurs…
Ce phénomène est de plus amplifié, comme souvent à la bourse, par des spécialistes du "jeu du mistigri" qui investissent non sur le seul critère économique valable (la rentabilité prévue actualisée: bénéfices d'exploitation après la phase de montée en puissance, ou revente de la technologie ou du fonds de commerce à une grosse entreprise capable de les valoriser), mais qui jouent sur leur capacité à trouver un pigeon à qui revendre leur investissement avant dégonflement de la baudruche voir le site http://www.kasskooye.net/
5.1.2.8C'est l'âge ou l'on peut se permettre de prendre des risques
De plus, créer une entreprise comporte toujours une part de risque.
Or le jeune diplômé qui n'est pas encore "installé" dans la vie et qui en général n'a pas encore de charge de famille n'a rien à perdre dans l'aventure, et un échec à ce stade de la vie professionnelle n’est pas pénalisant dans un CV.
Il est à une époque de sa vie particulièrement favorable à ce type de prise de risque.
5.1.2.91999: la rupture du contrat moral entre ingénieurs et Grandes Entreprises
A Harvard cette année 35% des élèves ont décidé de commencer leur carrière dans une start-up
En France les nombreux contacts que nous entretenons avec les élèves des Grandes Ecoles montrent un mouvement analogue, né tout à la fois des opportunités nouvelles offertes par Internet et de la "rupture du contrat moral entre les grandes entreprises et leurs cadres" (Bernard Corneau VP chase Manhattan Bank):
Jusqu'alors les ingénieurs, "officiers de la guerre économique" (Bernard Esambert) avaient autant le sentiment de se battre pour leur pays en travaillant dans une grande entreprise, "champion national", que directement dans l'administration (avec d'ailleurs de nombreux passages de l'une à l'autre, le défi de la compétitivité étant "porté" par l'Etat, actionnaire des entreprises clé de l'économie)
En contrepartie le cadre bénéficiait d'une forte solidarité de son entreprise, notamment en matière d'emploi et de statut social (lié en partie à l'organisation très hiérarchique, quasi-militaire, voire "royale" de nos grandes entreprises où il est souvent plus important de faire plaisir au chef qu'au client. N'oublions pas que le terme de "barons" pour décrire un groupe n'a disparu que récemment)
Aujourd'hui, les restructurations majeures et permanentes des Grands Groupes avec leurs charrettes de cadres qui, parfois, avaient sacrifié leur vie familiale à l'entreprise ajouté au fait que le bénéficiaire ultime de leurs effort soit souvent un fonds de pension de retraités américains ou des capitaux flottants internationaux d'origine parfois floue, a considérablement fait baisser "l'affectio sociatis".
L'embauche de conseillers psychologiques pour aider les cadres à vider leur bureau, toucher leur chèque et rejoindre leur voiture sur le parking (Apple) n'adoucit que peu le traumatisme
En particulier les jeunes qui ont vu leurs parents brisés au moment ou eux-mêmes terminaient leurs études, ont profondément changé leur vision du monde professionnel et la participation à la création d'entreprise devient un objectif pour beaucoup d'entre eux plus séduisant que la Grande Entreprise (au moins ils savent pour qui ils travaillent)
Candice Carpenter, créatrice d'iVillage (valorisation 2 Milliards de dollars), déclarait au Monde "ils ont vu leurs parents donner toute leur vie à une même entreprise, ne jamais être à la maison et se faire virer à 55 ans et ils se disent "et tout ça pour quoi?".alors leur attitude à eux c'est "MA vie c'est moi qui la gère, … je garde ma loyauté pour moi"
La plupart des Ecoles ont accompagné ce mouvement à travers la "reconnaissance" du métier d'entrepreneur, les formations données et les facilités mises en place notamment, nous le verrons plus loin les incubateurs
La "reconnaissance" du créateur, tant par les média que par les plus hautes autorités de l'Etat, dont nous avions souligné l'importance, a sans doute aussi joué un rôle
1999 sur ce plan a montré clairement une rupture dans les comportement
5.1.2.10N'oublions pas cependant une autre source de création : l'essaimage à partir des grandes entreprises
En effet beaucoup de créations d'entreprises se réalisent de cette façon : les grandes entreprises européennes semblent cependant beaucoup plus réticentes que celle d'outre-Atlantique à laisser filer leurs technologies même si elles ne sont pas les mieux placés pour les développer.
Une exception peut-être Thomson et qui est à l'origine de très nombreux essaimages encouragés et aidés,
Plus récemment France Télécom qui recentre le CNET vers ses besoins d'opérateur de télécom, a été amené à se dégager des recherches concernant par exemple les composants: dans ce cadre il favorise (grâce en particulier aux financements d'Innovacom) le départ des équipes correspondantes notamment via la création d'entreprises. 82 sociétés ont été créées et 164 étaient en cours de constitution fin 2000 avec de remarquables succès comme High Wave Optical et Algety dans les technologies optiques NetCentrex pour la téléphonie IP, Highdeal pour les outils de transactions électroniques ou Wokup! Pour les technologies Wap
Notons également Hewlet Packard qui très habilement l'utilise comme argument de recrutement pour ses jeunes ingénieurs: elle leur laisse entrevoir la possibilité au bout de quelques années de créer leur propre entreprise avec le soutien de HP.
Un problème fiscal à noter en passant : ces créateurs n'ont souvent pas droit au régime fiscal des quasi Stock Option que sont les Bons de Créateurs d'Entreprises car les services fiscaux n'assimilent pas toujours essaimage et création
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