États-unis d'AMÉrique le territoire et les hommes Géographie


Les mythes liés au territoire



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Les mythes liés au territoire


Bien que les États-Unis soient un pays à population majoritairement urbaine, les Américains n'en sont pas moins attachés à la nature, qui a joué un rôle essentiel dans la formation de la nation et qui reste aujourd'hui très présente dans les paysages et dans la culture.

Les premiers temps de la conquête ont constitué une lutte contre la nature, alors perçue comme un milieu hostile parce que inconnu. Pourtant, la conquête de l'Amérique s'apparente à l'affirmation de l'homme moderne, de l'homme-maître, notamment face à une nature à dompter. C'est tout particulièrement par le plan en damier (grid pattern) défini par Thomas Jefferson en 1785 et divisant le territoire en damiers réguliers (townships) pour assurer la conquête des nouveaux territoires de l'Ouest, que s'affirme cette volonté de maîtriser ces vastes espaces naturels. Toutefois, cette conquête s'accompagne dès le XIXe siècle d'une volonté de préserver la nature sauvage qui devient un élément fondamental de l'identité américaine, notamment par opposition à l'Europe. Le mouvement transcendantaliste, représenté par Ralph Waldo Emerson ou par Henry David Thoreau qui considérait la communion avec la nature comme un des fondements de la civilisation, joue en la matière un rôle de premier plan. Ses adeptes seront à l'origine à la fois de la création précoce des parcs nationaux (Yellowstone en 1872) et de grands parcs urbains, notamment sous l'impulsion de Frederick Law Olmsted, concepteur de nombreux parcs (Central Park à New York) ou systèmes de parcs (Boston).

Ce rapport à la nature influence les formes urbaines des banlieues pavillonnaires du XXe siècle et, plus récemment, la rurbanisation des espaces boisés dans les régions les plus urbanisées du Nord-Est (gentleman farm belt). En outre – et par opposition à l'Europe –, c'est bien la nature sauvage et non la campagne que recherchent les Américains, une campagne qui, aux États-Unis, est avant tout perçue comme un lieu de production sans grand intérêt paysager.

Avec l'exacerbation actuelle des problèmes environnementaux, cette préservation de la nature sauvage devient un des éléments de la frontier, ce mythe fondateur de la société américaine. La frontier dans son sens anglais ne désigne pas une limite, mais un front pionnier, une terre à conquérir. La frontier désigne donc à l'origine la conquête des terres de l'Ouest. L'historien Frederick Jackson Turner, dans The Frontier in American History, publié en 1893, la présente comme un des fondements de l'identité culturelle des États-Unis, dans le sens où c'est là, sur ces marges à conquérir, à « civiliser », que la nation américaine a appris la démocratie. Depuis lors, ce mythe de la frontier a été régulièment repris – John Kennedy y faisait allusion pour désigner son combat contre les inégalités sociales – pour souligner que la nation américaine est en marche et reste un défi à relever. C'est peut-être dans la conquête de l'espace ou, d'un point de vue plus terre à terre, dans la gestion des ressources naturelles, que se situe aujourd'hui la frontier...



Du melting-pot au multiculturalisme : un peuple ou des peuples ?


Des premiers Amérindiens aux Asiatiques d'aujourd'hui, les États-Unis sont nés de différentes vagues d'immigration originaires du monde entier. Les premiers pèlerins européens qui y trouvèrent refuge ont voulu construire une terre d'accueil pour tous les peuples opprimés. Ce mythe fondateur de la nation est bien réel : les États-Unis ont accueilli 60 millions d'immigrants depuis 1820, dont 18 millions de 1970 à 2000. Il ne fonctionne toutefois pas sans heurts, la cohabitation entre les groupes s'avérant parfois difficile (tabl. 3).

Une géographie des groupes ethniques liée à l'histoire


Les premiers peuples à s'installer en Amérique du Nord furent les Amérindiens, arrivés d'Asie il y a 30 000 ans par le détroit de Béring, alors gelé. Aucun groupe n'a connu, sur le territoire actuel des États-Unis, la prospérité des civilisations du Mexique central ; la proximité des foyers mexicains a pu cependant être à l'origine d'une plus grande maîtrise de l'agriculture chez les groupes du Sud, notamment chez les Natchez, qui habitaient le cours inférieur du Mississippi ou encore chez les Hopi d'Arizona. Toutefois, l'économie de cueillette et la chasse étaient à la base de l'existence de la plupart des groupes, que leur méconnaissance des techniques pour restaurer la fertilité du sol obligeait à migrer à la recherche de nouvelles terres. Ces migrations n'étaient pas sans créer des rivalités et des conflits entre les différents groupes. À partir du XVIe siècle, ces rivalités se sont trouvées largement exacerbées par l'arrivée de groupes européens, eux-mêmes rivaux, qui tentaient d'obtenir la collaboration des Amérindiens pour dominer le commerce des fourrures. Cette collaboration fut de courte durée : le désir de conquête des Européens, les maladies importées (variole, choléra, rougeole, peste) contre lesquelles les Amérindiens n'étaient pas immunisés, l'alcool, les armes à feu eurent tôt fait de décimer les populations. L'extermination des bisons au XIXe siècle, destinée à forcer les Amérindiens à rejoindre les réserves fédérales, réduisit encore leur nombre : estimés à 1 million à l'arrivée des Européens, ils n'étaient plus que 250 000 en 1890.

Ils sont environ 2 millions dans les années 2000, particulièrement présents dans les États du Sud-Ouest (Arizona, Nouveau-Mexique) et des plateaux centraux (Montana, les deux Dakota, Oklahoma). Avec 369 000 individus, les Cherokee sont les plus nombreux, suivis des Navajo (225 000) et des Sioux (107 000). Reconnus citoyens américains en 1924, les Amérindiens ont eu tendance à fuir les réserves, tout au long du XXe siècle, pour se diriger vers les grandes métropoles. Toutefois, l'affirmation et la reconnaissance des identités culturelles indiennes entraînent à partir des années 1980 un retour vers les réserves, retour favorisé par un développement économique ponctuel lié au tourisme (Terres navajo) et aux casinos ; cette manne financière permet l'installation d'équipements sur les réserves (universités, hôpitaux). Cette affirmation culturelle peut également être à l'origine du renouveau démographique actuel. Toutefois, les réserves indiennes restent parmi les espaces les plus pauvres des États-Unis : le taux de chômage peut atteindre 50 %, la mortalité infantile est encore très élevée, l'espérance de vie est la plus courte.

Les populations blanches, d'origine européenne, sont les plus nombreuses, puisqu'elles représentent les trois quarts de la population totale. Les premiers groupes, Espagnols (Floride) et Français (vallée du Saint-Laurent), sont suivis à partir du XVIe siècle par les Anglais (Nouvelle-Angleterre) qui deviendront rapidement majoritaires, puis par les Néerlandais (vallée de l'Hudson). Ces implantations européennes restent limitées à l'est des Appalaches jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Au XIXe siècle ont lieu les grandes vagues d'immigration européennes : Irlandais, Allemands, Anglais fourniront les effectifs les plus importants de 1840 à 1890, puis, jusqu'à 1930, Italiens, Européens de l'Est et du Centre, Canadiens français et Scandinaves domineront. De 1980 à 1990, l'immigration européenne ne représentait plus que 11 % des entrées et concernait surtout les populations d'Europe de l'Est (Yougoslavie, notamment) et la fuite des cerveaux, le brain-drain. Les descendants d'Européens dominent actuellement dans la plupart des États : descendants d'Allemands, de Scandinaves et d'Européens de l'Est dans les États du Nord, de la Pennsylvanie à l'État de Washington en passant par les Grands Lacs ; descendants de Britanniques en Nouvelle-Angleterre, dans les États du Centre et de l'Ouest. Les Européens sont minoritaires dans le Sud-Est, où la population noire est plus nombreuse, et dans le Sud-Ouest, du Texas à la Californie, à majorité hispanique.

La population noire (12 % de la population nationale) est présente surtout dans le Sud-Est des États-Unis, où elle constitue plus de 50 % de la population dans certains comtés du Mississippi, de l'Alabama ou de la Georgie. L'économie de plantation fondée sur l'esclavage et des raisons de coût de transport pour les organisateurs de la traite expliquent cette concentration des populations afro-américaines à proximité des côtes de la Caraïbe et de l'Atlantique. L'industrialisation et la mécanisation des campagnes dans les années 1920-1930 provoquent la dispersion des populations noires sur le territoire, dispersion toute relative puisqu'elle concerne surtout les grandes métropoles, notamment celles du Nord-Est, et dans une moindre mesure de Californie.

Les Hispaniques constituent aujourd'hui le plus fort contingent d'immigrés (41,8 millions) avec les Asiatiques. Ils pourraient représenter un cinquième de la population américaine en 2050, vu leur fécondité et l'ampleur des migrations. Il faut distinguer les hispanos – descendants des anciens colons, installés dans les États du Sud-Ouest avant leur annexion en 1848 – et les chicanos, arrivés depuis 1950. Ils sont logiquement plus présents à proximité des pays d'origine : Texas et Californie pour les Mexicains, qui représentent 63 % des immigrants hispaniques, Floride pour les Cubains (5 %), notamment à Miami, véritable plaque tournante pour les réfugiés politiques de Cuba, mais aussi de Haïti ou du Nicaragua. Cependant, les Portoricains (13 %) – citoyens américains puisque Porto Rico est un État associé – se concentrent plutôt dans les grandes villes, de la mégalopole du Nord-Est notamment.

Avec 12,4 millions d'individus, les Asiatiques représentent 4 % de la population américaine en 2000 ; ils constituent néanmoins le deuxième flux après les immigrants d'Amérique latine, en augmentation de 170 % entre 1985 et 1995. Là encore, il faut distinguer deux grandes vagues d'immigration : au XIXe siècle, l'arrivée des coolies chinois pour la construction du chemin de fer dans l'Ouest, dont l'immigration s'apparente à une véritable traite, et, dans la seconde moitié du XXe siècle, une immigration d'origine plus diversifiée, chinoise, mais aussi philippine, japonaise, indienne, vietnamienne ou laotienne. Particulièrement présents à Hawaii où ils représentent 50 % de la population, ils sont également très nombreux dans les villes californiennes et dans la mégalopole du Nord-Est.



Cohabitation des groupes


Bien que l'immigration soit un des fondements de la culture des États-Unis, elle n'en est pas moins à l'origine de nombreuses tensions au sein de la société et de tout aussi nombreuses questions sur l'identité américaine. Fille de la modernité, la nation américaine a longtemps été pensée comme l'espace de liberté par excellence, où doit s'épanouir un homme nouveau, quelles que soient son origine, sa religion, ses opinions, dès lors qu'il respecte la Constitution.

L'idée du melting-pot, définie dans les années 1920, découle directement de cette conception des États-Unis : de la fusion de différents peuples et de différentes cultures doit naître une nouvelle race d'hommes. Toutefois, au début du XXe siècle, de nombreuses réactions xénophobes avaient déjà divisé la nation en formation : la question de l'esclavage des Noirs et la guerre de Sécession ou encore les discriminations contre les Chinois en Californie en attestent. Au sein même de la population blanche apparaissent également des discriminations, notamment sous l'impulsion des nativistes qui sont, dans les années 1920, à l'origine des quotas favorables à l'immigration anglo-saxonne et protestante (celle des W.A.S.P., White Anglo-Saxon Protestants) aux dépens des Européens de l'Est et du Sud, catholiques (Polonais et Italiens, alors très nombreux).

Toutefois, le melting-pot, qui n'a finalement réussi qu'à fusionner les populations blanches, est remis en cause par les minorités non blanches. La Californie invente alors dans les années 1980 le Salad Bowl, qui insiste sur l'idée d'unité dans la diversité, avant que ne s'impose le multiculturalisme. Celui-ci met en avant la différence et prend comme fondement de l'identité nationale la présence de cultures et de groupes ethniques qui cohabitent, mais ne se mélangent pas forcément. Ceux-ci revendiquent leur culture particulière ou leur attachement à un pays d'origine. La lutte des Noirs contre la ségrégation pratiquée dans les États du Sud et leur combat pour les droits civiques ont donné le ton dès les années 1950. Les Hispaniques ont suivi avec le mouvement chicanos, qui revendique désormais l'enseignement en espagnol dans les collèges et les lycées, provoquant l'indignation des anglophones en Californie ; ceux-ci ont officialisé par un vote, en 1986, la langue anglaise dans cet État.

Ces distinctions entre les groupes entraînent des tensions, notamment pour l'appropriation des territoires urbains, comme en attestent les heurts entre Noirs et Hispaniques dans Harlem à New York ou entre Noirs et Vietnamiens à Los Angeles. Ces tensions sont également attisées par les différences de réussite sociale entre les groupes. Ainsi, la communauté asiatique est-elle particulièrement diplômée, par opposition aux Hispaniques ou aux Noirs : 42,2 % des Asiatiques font des études supérieures, contre 10,3 % des Hispaniques, 13,3 % des Noirs et 24 % des Blancs.

Enfin, il faut ajouter la question de la prédominance culturelle que pose l'évolution des différents groupes. Si les W.A.S.P. représentent encore aujourd'hui le groupe dominant, ils connaissent les taux de fécondité les plus bas et sont les premiers concernés par le vieillissement de la population. Au contraire, les minorités connaissent les taux de natalité les plus forts (autour de 20 ‰), assurant une bonne part de l'accroissement naturel national et d'une fécondité (deux enfants par femme) bien supérieure à celle du Japon ou de la plupart des pays d'Europe occidentale. Les États-Unis connaissent globalement une croissance démographique représentative des pays industrialisés, marquée par le vieillissement, malgré une natalité plus forte que dans les autres pays avancés – 14 ‰ en 2006 contre 10 ‰ en Europe occidentale et 9 ‰ au Japon.



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