États-unis d'AMÉrique le territoire et les hommes Géographie


II - Le climat et ses nuances



Download 336.34 Kb.
Page9/18
Date02.02.2017
Size336.34 Kb.
#15665
1   ...   5   6   7   8   9   10   11   12   ...   18

II - Le climat et ses nuances

Blizzard, froid, neige... une trilogie souvent mentionnée à propos du climat canadien. Pourtant, il serait erroné de penser que d'autres paramètres n'existent pas ; en outre, comment croire, que, sur un si grand espace, on n'ait qu'un climat et non pas des climats ? L'extension en latitude comme en longitude, la présence à grande échelle d'ensembles topographiques distincts engendrent forcément une série de nuances et de contrastes.

Trois influences majeures déterminent les données du climat canadien : l'air arctique, continental durant l'hiver, maritime pendant l'été, est générateur de froid, et sa pénétration sur la majeure partie du pays est d'autant plus facile qu'aucun obstacle, à l'est des Rocheuses, n'entrave son cheminement vers le sud. On lui doit les températures les plus basses jamais enregistrées à des latitudes tempérées (− 63 0C en 1947) en même temps que les vents violents occasionnant les « poudreries », équivalent glacé des tempêtes de sable sahariennes.

À l'opposé, il n'est pas rare en été de voir l'air tropical remonter vers le nord, envahir le Québec, l'Ontario et la majorité des provinces des Prairies. D'où une ambiance étouffante, humide à proximité des lacs les plus vastes et, localement, des températures avoisinant 40 0C avec une hygrométrie de 80 % (sud de l'Ontario, à la fin d'août 1985).

La troisième influence climatique essentielle provient des océans et se manifeste sur chaque rivage de manière différente. Alors que, sur le rivage du Pacifique, on est en présence d'une douceur assez marquée des masses d'air venant buter contre les montagnes qui font écran, une plus grande fraîcheur caractérise les littoraux de l'Atlantique, générée par le courant marin froid du Labrador. À l'ouest, c'est donc le climat agréable des alentours du delta du Fraser et de l'île de Vancouver , qui vaut à la région de ne pratiquement jamais connaître de chutes de neige en plaine ; sur l'Atlantique, dans les provinces maritimes et le corridor laurentien, c'est au contraire le « Canada des neiges », avec une hauteur cumulée annuelle de 2 mètres en moyenne, mais surtout des chutes d'une ampleur exceptionnelle (à Moncton, Nouveau-Brunswick, il est tombé 1,61 m en vingt-quatre heures à la fin d'avril 1992).

Continentalité des provinces des Prairies, ambiance humide et douce du sud-ouest de la Colombie britannique, abondance de la neige et humidité en toute saison dans les « Maritimes » semblent personnaliser le climat des grands ensembles régionaux, à l'exclusion du Nord, à qui l'on consacrera une place spécifique. Néanmoins, au-delà de ces traits généraux surgissent des nuances à une échelle plus réduite, que l'on ne peut évoquer ici que par un petit nombre d'exemples significatifs.

Au cœur des montagnes de la Colombie britannique, la vallée de l'Okanagan est caractérisée par un déficit hydrique très accentué du fait de la continentalité : à Penticton, la ville principale, les précipitations annuelles se réduisent à 296 millimètres, et le nombre de jours avec gelée descend à 143, ce qui représente une diminution respective de quatre cinquièmes et de 30 % par rapport au littoral pacifique à la même latitude.

De l'autre côté du système montagneux, à cheval entre les provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan, le Dry Belt est un espace franchement aride, avec des totaux pluviométriques annuels semblables à ceux de l'Okanagan mais qui trouvent une compensation dans un moindre nombre de jours de gel que partout ailleurs dans les provinces des Prairies.

Enfin, tout à l'est du pays, en Nouvelle-Écosse, les vallées d'Annapolis et de Cornwallis associent douceur relative et humidité abondante et régulière pour favoriser la culture des pommiers et des pommes de terre, rappelant par leurs paysages bien des aspects de la Normandie.

Cependant, ces nuances, qui affectent des régions ou des « pays » en les privilégiant à l'égard du reste du territoire fédéral, ne sauraient occulter de brusques changements de temps et des caprices météorologiques bien souvent préjudiciables pour l'agriculture. En fait, on ne doit jamais oublier que la latitude tempérée fraîche du Canada méridional et l'ouverture du territoire face aux immensités nordiques peuvent faire régner partout des conditions climatiques d'autant plus rudes que leur durée accroît la pénibilité des éléments à endurer.

C'est ce qui explique que, parmi les quatre points cardinaux, le nord surpasse les trois autres tant dans les manifestations physiques que dans la perception que l'on en ressent.

III - Primauté du Nord dans la géographie canadienne

S'il est une question qu'il faut bien se garder de poser, c'est de savoir où commence le Nord au Canada... Au poète québécois Pierre Morency, qui écrit à propos de sa province : « Le Nord n'est pas dans la boussole, il est ici », répond en écho le géographe Louis-Edmond Hamelin, qui pense que « le Nord est un état mental ». En fait, qu'elle soit idéalisée ou trop pessimiste, la vision que l'on a des espaces nordiques s'applique à une étendue qui correspond à tout ce qui n'est pas la zone peuplée jouxtant la frontière étatsunienne et qui peut se résumer à une trilogie associant au climat froid la prédominance du peuplement amérindien et une population spatialement très clairsemée.

Dans les faits, le Nord est bien autre chose que le binôme territoire du Yukon-Territoires du Nord-Ouest et que les basses températeures aggravées par la longue nuit de l'hiver arctique. Contexte global aux aspects physiques, humains et économiques singuliers, le monde nordique, trop facilement assimilé à l'espace de l'Arctique, est avant tout une étendue sans arbre et, pour une part considérable, sans sol. Plus on monte en latitude, plus l'immensité glacée prend de l'ampleur, au point qu'il devient difficile d'apprécier les distances. Malgré tout, cela ne doit pas laisser croire que le relief est rigoureusement horizontal !

Dans ces vastitudes, où toute notion d'échelle semble inimaginable, une grande variété de paysages géomorphologiques s'offre au visiteur : montagnes englacées ou laissant apparaître une topographie de fjell sur l'île de Baffin, fjords au fond desquels les glaciers vêlent pour alimenter en icebergs l'océan dégelé ; dans les régions centrales, en apparence plates et monotones, la surface du bouclier est criblée de lacs que séparent de belles roches moutonnées ou que relient entre eux des rivières ponctuées de rapides. Aux modelés glaciaires contemporains ou hérités s'ajoutent les manifestations des processus morphogénétiques périglaciaires : en été, vus du ciel, les milliers de kilomètres carrés recouverts par la toundra apparaissent fréquemment sous la forme d'un carrelage savamment ajusté, tant les polygones qui la caractérisent ont des formes régulières. À même le sol, là où le permafrost cède la place à une mince épaisseur dégelée, foisonnent les thufurs (buttes gazonnées), tandis que dans le delta du Mackenzie se rencontrent les plus gros pingos que l'on connaisse au monde. Celui de Ibyuk Hill est haut de 40 mètres, et sa circonférence à la base dépasse 900 mètres. Dans les secteurs où la topographie est plus accidentée, les versants réglés peuvent être interrompus par des replats goletz alors qu'à leur base les effets de la solifluxion engendrent de remarquables coulées qui se traduisent par une surface bosselée. L'absence ou la maigreur du tapis végétal favorisent la contemplation de paysages morphologiques dont le Nord est un authentique conservatoire ; pourtant, ce sont bien souvent les éléments du climat qui saisissent le visiteur lorsqu'il débarque en provenance du « Sud ».

L'identification première du Nord, c'est le très bas niveau des températures hivernales que vient encore souligner leur durée, accentuée par l'impression pénible introduite par la nuit polaire. Cependant, une donnée moins connue réside dans le contraste marqué entre l'hiver et l'été. On peut être étonné par l'emploi du terme « été », mais l'expression de « climat sans été » pour décrire les hautes latitudes se révèle fausse à ceux qui ont parcouru le Nord en toutes saisons. Certes, il ne faut pas prêter à la durée du jour estival au-delà du cercle arctique plus de vertus qu'elle ne peut fournir. C'est elle néanmoins qui explique qu'à Aklavik la moyenne des températures de juillet se hisse à 13 0C, tandis que, à Holman Island sur l'île de Victoria, elle n'est plus que de 6,8 0C du fait de la latitude plus haute. Malgré tout, des confins de l'Alaska aux rivages orientaux vis-à-vis du Groenland, c'est l'hiver qui accapare l'essentiel de l'année. De Churchill à Iqaluit, de Dawson City à Cambridge Bay, c'est la même symphonie des températures très froides, des blizzards violents et durables et des faibles quantités de précipitations (136 mm/an à Resolute Bay). Ces totaux dérisoires sont, pour une part infime, le fait de pluies ; la plupart du temps, les précipitations se produisent sous forme de neige non pas floconneuse, mais granuleuse.

Froid, sol gelé et toundra se combinent pour faire du domaine nordique des « terres stériles » (barren lands) ; toutefois, l'aire est bien trop vaste pour pouvoir présenter une grande homogénéité de situations.

C'est la raison pour laquelle toute découverte du Nord, toute connaissance de la « chose nordique », doit s'appuyer sur la notion de nordicité. La nordicité est l'expression en un lieu donné d'une dizaine de critères, tant physiques qu'humains ou économiques, établis en Vapos (valeurs polaires). Plus le total est élevé, plus la nordicité est accentuée. Cette codification permet une appréhension progressive du fait nordique au fur et à mesure que l'on s'achemine vers les hautes latitudes. Parallèlement se distinguent plusieurs zones au sein du monde nordique. Schématiquement, on peut partager le Nord en trois ensembles :

le Moyen Nord recouvre la partie septentrionale des provinces et – constitue une sorte d'espace de transition entre le Canada peuplé et le Canada plus ou moins vide d'hommes. Il empiète, au-delà du 60e degré de latitude sur les Territoires (Yukon et Territoires du Nord-Ouest, T.N.O.) et englobe le corridor du Mackenzie ;

le – Grand Nord s'identifie globalement à la zone du climat arctique et aux aires dépourvues de végétation arborée. Existe donc une corrélation avec l'ensemble toundra et surfaces de roches à nu ; parallèlement, le Grand Nord inclut les rivages continentaux ou insulaires qui se trouvent libérés par les glaces marines en haute saison estivale ;

enfin, l'Extrême Nord regroupe la grande majorité des îles – arctiques autour desquelles la banquise est pratiquement permanente.

À l'évidence, la notion de Nord est plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord. On ne peut donc calquer l'espace nordique sur le périmètre arctique puisque ce terme s'identifie à un parallèle au-delà duquel, vers le pôle, la durée du jour est de vingt-quatre heures au solstice d'été. Le cercle polaire n'influe pas sur les conditions climatiques, et l'aire du climat arctique déborde largement au sud (partie orientale de la baie d'Hudson, par exemple). L'imprécision apparaît en définitive grande pour définir et délimiter ce qu'est le Nord. Dans le contexte du Canada, il s'agit de savoir s'il existe un Nord provincial et un Nord territorien, et s'il faut considérer le Nord continental comme un prolongement septentrional des provinces. Dans cette perspective, les îles arctiques formeraient une entité distincte. Étant donné que, par de multiples aspects, de vastes étendues nordiques continentales sont absolument identiques à des secteurs entiers des îles, on ne saisit pas très bien pourquoi l'insularité pourrait prétendre constituer l'authenticité du milieu nordique.

En définitive, c'est par ses paysages et ses genres de vie que le Nord se détermine sans doute le mieux. Assemblage de multiples types d'interrelations, entre espaces et sociétés, il déborde sur le bouclier autant que sur le système cordilléran. C'est pourquoi, par-delà un Nord moyen, grand ou extrême, existe un contexte global que l'on perçoit autant dans la nature que chez les populations. Vraisemblablement, le dénominateur commun n'est pas davantage géopolitique que climatique. Le Nord est en réalité une terre où il reste encore beaucoup à découvrir. En cela, il est typiquement canadien.



Au sein de ces immensités dont on ne sait jamais exactement où elles débutent pas plus qu'on ne voit où elles s'achèvent, le milieu naturel joue un rôle de tout premier plan. On est frappé par la masse des contrastes qui se révèlent alors que l'on est plutôt préparé à un paysage fortement homogène. Ce fait prend une signification particulière au niveau des lacs autant que des littoraux. On suppose que rien, ou presque, ne différencie les lacs, si ce n'est la taille ; la réalité est tout autre même si le cas général associe aux plans d'eau une parure fournie de forêt d'épinettes (épicéas). Dans les montagnes de l'Ouest, l'originalité de chaque lac est facile à admettre, du fait des différences de géomorphologie régionale ou de position géographique : au lac Maligne, qui s'apparente à un long fjord encadré de puissantes citadelles calcaires, peuvent s'opposer les lacs Peyto et Moraine qui combinent surcreusement glaciaire et barrage morainique ; alors que le lac Louise est dominé par d'imposantes parois qui rappellent le cirque de Gavarnie, le lac Bow est ourlé de cônes d'éboulis et d'avalanches qui accélèrent son comblement. Plus remarquables sont les variétés offertes par les lacs que l'on rencontre dans les autres ensembles physiques du Canada : la rive occidentale du lac Saint-Jean est calquée en partie sur la faille de Desbiens tandis que, de l'autre côté, les rivières Mistassini et Péribonka donnent au pays de Maria Chapdelaine un aspect plat à peine interrompu par quelques rapides qui débouchent sur le vaste plan d'eau. Dans l'immense Nord enfin, aucun lac ne ressemble à un autre : formes longilignes associées à des accidents tectoniques, cercles parfaits liés à la fonte tardive de culots de glace, contours tarabiscotés à quoi s'ajoute une incomparable échelle des dimensions, des lacs assimilables à des mares du Grand Lac des Esclaves qui est une authentique mer intérieure. Les littoraux sont également synonymes de contrastes : succession dense des fjords, parallèles comme seules les failles savent l'être au nord de l'Ungava, minuscules criques du rivage néo-écossais, au fond desquelles se nichent d'idylliques petits ports (Peggy's Cove), longues plages sableuses et caillouteuses, mais sans baigneurs, des îles de l'Arctique (Starvation Cove, île Victoria). Au total, le Canada est un véritable kaléidoscope en ce qui concerne les paysages naturels. Frappante est l'opposition que l'on perçoit entre l'espace utile et l'espace utilisé. Schématiquement, l'impression prévaut que ce sous-continent se partage inéquitablement entre une mince frange méridionale et tout le reste. Tout se passerait comme si cette disproportion visait à séparer un heartland sudiste et un incommensurable hinterland nordiste. La réalité n'est pas conforme à cette image, car il n'y a pas opposition mais très forte complémentarité entre ces deux parties du pays. S'il est vrai que le Sud rassemble population, villes, activités économiques (ce qui d'ailleurs n'apparaît pas sous forme continue de l'est à l'ouest), le « Nord » est loin d'être aussi vide et inutile qu'il le semble. Le bouclier nous en fournit la preuve : à sa surface assez monotone de lacs, de roches moutonnées, de toundra s'opposent des profondeurs qui sont autant de gisements minéraux aux réserves impressionnantes. Les sept mines d'or autour de Yellowknife ont une réserve d'extraction qui dépasse deux siècles ; au rythme actuel d'exploitation, le gisement pétrolier de Norman Wells possède cent-vingt ans d'existence devant lui. Que dire enfin de cette immense forêt hudsonienne, bien mal entretenue par rapport aux forêts domaniales françaises, mais dont la réserve ligneuse dépasse un millénaire si l'abattage se poursuit à la cadence actuelle ?

Espace utile, espace utilisé et espace en réserve agissent en sorte au Canada que les apparences sont particulièrement trompeuses. Errent ceux qui croient qu'au-delà de quelques degrés de latitude vers le nord tout s'arrête ; en réalité, tout se poursuit, mais autrement !

Richement doté par sa nature en dépit de conditions naturelles que l'on peut considérer comme inhospitalières, le Canada, terre de grandeur, est également une terre d'espérance. Pays neuf, où l'on a parfois une impression d'inachèvement, c'est aussi un remarquable champ d'expériences, un fantastique laboratoire pour le géographe qui y voit et qui y vit comment les hommes, venus d'ailleurs, peuvent aménager l'espace et y façonner un paysage que très tôt certaines composantes ont permis d'immortaliser.

· Henri ROUGIER





Download 336.34 Kb.

Share with your friends:
1   ...   5   6   7   8   9   10   11   12   ...   18




The database is protected by copyright ©ininet.org 2024
send message

    Main page