Les régions : une diversité culturelle
Les conditions naturelles et l'histoire du peuplement ont favorisé l'émergence de grands ensembles géographiques culturels. Là encore, la dichotomie centre-périphérie joue un rôle essentiel. On peut ainsi opposer deux Amériques : d'une part, l'Amérique des pourtours, la plus peuplée, la plus puissante, une Amérique ouverte au monde, où la population n'est plus à majorité blanche d'origine européenne (l'Amérique arc-en-ciel) et, d'autre part, l'Amérique du centre, plus conservatrice, où les tensions entre les groupes sont plus « traditionnelles », une Amérique liée à la terre, plus introvertie, plus frileuse aussi vis-à-vis de l'étranger.
Nord-Est et Californie : les deux centres de l'Amérique
Le Nord-Est et la Californie sont les deux espaces culturels dominants, ceux qui s'imposent comme modèle, comme « centre », par opposition aux périphéries intérieures. Plutôt que concurrents, ils sont complémentaires, chacun garantissant la continuité d'une certaine Amérique, et notamment de deux de ses mythes fondamentaux : le pouvoir et l'innovation.
L'Amérique de la maturité : mégalopole et Nouvelle-Angleterre
Un premier ensemble régional se distingue autour de la mégalopole atlantique. Véritable cœur des États-Unis, il trouve sa cohérence dans le rôle qu'il a joué dans la formation de la nation et dans son histoire, notamment celle d'une Amérique essentiellement tournée vers l'Europe. Souvent qualifié de puritain en raison de l'austérité religieuse des premiers colons, le Nord-Est est aujourd'hui une des régions les plus libérales des États-Unis. Construite sous l'éthique protestante du travail et de la recherche du profit au service de Dieu, c'est l'Amérique du commerce, qui reste toutefois garante d'une continuité historique : on y célèbre les valeurs démocratiques des pères fondateurs et, plus globalement, les valeurs traditionnelles qui ont fait la nation ; on y préserve les traces du passé, qu'il s'agisse d'un patrimoine bâti, le plus souvent sur le modèle européen, ou d'un patrimoine humain, à l'image de la communauté amish qui conserve, en Pennsylvanie notamment, son mode de vie traditionnel. Lieu du pouvoir politique, économique et financier, c'est ici l'Amérique de la maturité, une Amérique ouverte, mais prudente, qui surveille son image, d'autant qu'elle se trouve aux premières loges de la scène internationale.
Dominé par New York, l'ensemble de la mégalopole est le centre décisionnel des États-Unis depuis leur fondation. C'est à Washington que se concentre le pouvoir politique (Maison-Blanche, Capitole, Pentagone), tandis que New York tient les rênes de la finance internationale depuis le quartier de Wall Street, celles de la presse nationale (Time, Newsweek), et de la télévision (A.B.C., N.B.C., C.B.S.). Foyer intellectuel des États-Unis, la mégalopole concentre les universités parmi les plus prestigieuses (Yale, Princeton, M.I.T., Harvard) et les musées les plus riches. Au nord de la mégalopole, la Nouvelle-Angleterre préserve une certaine idée de l'Amérique, entre morale et nature, à l'ombre de sa capitale, Boston, bastion du pouvoir blanc ; ses paysages pastoraux, si chers aux Américains, sont devenus le symbole de l'Amérique mythique des pères fondateurs.
L'Amérique « adolescente » : la Californie et ses annexes
La Californie constitue le deuxième « centre » des États-Unis et souligne l'autre aspect de la personnalité de la nation américaine. Le mythe de la frontier reste vivace dans cette Amérique de l'utopie, du paradis terrestre possible, « au bout de la route », un mythe construit dès le XVIe siècle par les Espagnols, puis par l'épopée de la ruée vers l'or et, plus récemment, par les récits de John Steinbeck (Les Raisins de la colère, 1939) ou de Jack Kerouac (Sur la route, 1957). C'est en Californie, et tout particulièrement dans le quartier de Haight-Ashbury à San Francisco, que les beatniks puis les hippies cherchèrent l'espace propice à de nouvelles expériences spirituelles. Cette Amérique, que le cinéma a fait connaître dans le monde entier, se joue de l'histoire et de la réalité. Las Vegas, ville de la lumière et du jeu en plein désert du Nevada voisin, les décors des studios de cinéma (Universal Studios, M.G.M. à Los Angeles), le musée J. Paul Getty, reconstitution d'une des plus fastueuses villas romaines d'Herculanum, sont en cela de purs produits de l'Amérique californienne. Cette Amérique excessive est à l'image de la nature qui l'entoure : la menace d'un tremblement de terre, en raison de la présence de la faille de San Andreas, explique peut-être cette culture de l'urgence. Cette Amérique qui fascine est un foyer majeur d'immigration et participe ainsi à l'émergence de l'Amérique arc-en-ciel des pourtours, que la population blanche a parfois tendance à quitter au profit de ses régions annexes.
Ce modèle californien – dont l'emprise dépasse largement le cadre national – influence en effet les comportements culturels d'un grand Ouest, où il se décline différemment dans des sous-régions : les États du Nord-Ouest, Oregon et Washington, répondent ainsi à ce mythe pionnier, mais sur un registre mettant en avant l'écologie et le développement durable ; la ville de Portland est ainsi considérée comme un modèle de gestion urbaine. Ces orientations, qui révèlent une certaine humilité vis-à-vis de la nature, sont également perceptibles dans les États voisins du Montana, de l'Idaho et du Wyoming. En revanche, Nevada, Utah et Colorado sont plus directement liés au modèle californien : c'est en effet ici que de nombreux W.A.S.P. de la côte ouest viennent s'installer pour inventer de nouvelles communautés, une nouvelle frontier, loin des problèmes des grandes villes californiennes.
Des Dakota à la Floride, l'Amérique du Centre est plus difficilement identifiable, parce qu'il y subsiste de très fortes disparités entre les sous-régions. Moins rayonnante à l'échelle du pays et à l'échelle internationale, elle puise néanmoins son identité dans la préservation d'une Amérique plus traditionnelle, moins exposée aux évolutions brutales que connaissent les deux « centres ». Même si la population blanche est parfois minoritaire, les tensions sociales restent liées aux relations séculaires entre Noirs et Blancs. Attachée à la terre pour des raisons historiques et économiques, c'est également l'Amérique mythique des immensités agricoles qui fait preuve d'un certain conservatisme, et sur laquelle la ville a un poids culturel moindre.
Midwest et Grands Lacs
Locomotive de l'industrie américaine pendant un siècle, la région des Grands Lacs a connu ses heures de gloire dans la première partie du XXe siècle, et notamment autour de Chicago, la capitale économique et intellectuelle de la région ; l'école de Chicago ne symbolisait-elle pas cette Amérique urbaine qui se libérait du joug de l'Europe ? La croissance de l'Ouest californien combinée à la crise des secteurs industriels traditionnels a effacé ce rayonnement de Chicago et plus largement des villes des Grands Lacs. Toutefois, celui-ci a contribué à forger une identité à cette grande région centrale, dont la population et la culture sont fortement marquées par les origines germaniques (Milwaukee) et scandinaves (Minneapolis-Saint Paul), une région riche et indépendante, notamment vis-à-vis de New York. Depuis les années 1980, l'ancienne Rust Belt se reconstruit une image, notamment en soulignant sa spécificité par rapport à la mégalopole atlantique, l'adaptation des compétences industrielles aux nécessités de l'environnement devenant un enjeu de premier plan. Chicago, qui contrôle les marchés agricoles des plaines, conserve une grande influence sur tout le Midwest.
Le Sud
C'est une des régions des États-Unis où les contrastes sont les plus marqués. Depuis les années 1970, l'effet Sun Belt, entraînant le développement économique, a transformé ce Vieux Sud qui reste toutefois très empreint de conservatisme. C'est dans ces États que sont les plus vivaces différentes formes de ségrégation, vis-à-vis des minorités quelles qu'elles soient. C'est également dans ces États de la Bible Belt que la religion est la plus présente. Battu par les partisans de l'Union pendant la guerre de Sécession, le Sud est longtemps resté sous la domination du Nord-Est. Le récent dynamisme économique reste limité au Sud atlantique (les deux Caroline, Georgie), par opposition aux États du Dixieland (Louisiane, Mississippi, Alabama) qui restent parmi les plus pauvres des États-Unis. Deux États du Sud, toutefois, se distinguent : la Floride et le Texas.
La Floride constitue un cas particulier ; – elle est intégrée dans le domaine des Caraïbes, notamment par l'influence de Miami, où vit une communauté cubaine très importante. Elle se différencie également par une économie florissante, reposant principalement sur le tourisme, mais également sur l'aérospatiale (Cape Canaveral) et sur une croissance démographique bien plus importante que celle des États voisins. Elle est également très influencée par les échanges nationaux et internationaux qu'engendrent ses stations balnéaires, ses parcs de loisirs d'Orlando et plus généralement ses résidences secondaires. Très fréquentée par les populations du nord-est du pays et par les Canadiens de l'Est, elle est une excroissance de la mégalopole atlantique.
Le Texas et la frontière mexicaine. Le Texas – constitue également un cas particulier au sein du Sud : son histoire, marquée par une courte période d'indépendance au XIXe siècle, lui a laissé certains attributs d'une nation, une histoire que l'on brandit volontiers contre un fédéralisme parfois discuté. Sa population « tex-mex » et sa culture « cow-boy » liée à l'élevage et à la terre sont particulièrement conservatrices. Mais, parallèlement, le Texas s'est affirmé par un décollage économique foudroyant, dû à la découverte d'immenses richesses pétrolières, qui a fondé la puissance financière de ses villes, Dallas et Houston, et qui en fait le deuxième pôle de cette Amérique du Centre après Chicago.
Forces économiques à l'échelle mondiale et cultures locales participent ainsi à la diversité de la nation américaine, une diversité toujours recomposée, à l'image des brassages de population qu'engendre ce « carrefour du monde »...
· Laurent VERMEERSCH
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CANADA - Cadre naturel
Article écrit par Pierre DANSEREAU, Henri ROUGIER
Sans aucun doute, la première image que l'on a, lorsqu'on évoque le milieu canadien, est celle d'un climat rude : ce pays n'a-t-il pas été comparé à l'empire du froid ? Cependant, la rudesse bien connue des hivers longs aux températures si basses ne saurait faire oublier la légendaire douceur de l'indian summer ni l'agréable tiédeur des confins du Puget Sound. En outre, le relief est loin d'être un élément secondaire, même si c'est à grande échelle qu'il faut l'appréhender.
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