Retour à la table des matières Ce volume est l'aboutissement d'un effort visant à fondre sous une forme accessible le gros de presque quarante ans de réflexions, d'observations et de recherches relatives au thème du socialisme. Le problème de la démocratie s'est frayé la voie jusqu'à la place qu'il occupe maintenant dans ce livre parce que, à J'expérience, il m'est apparu impossible d'exposer mes vues sur la relation existant entre l'ordre socialiste de la société et la méthode démocratique de gouvernement sans procéder à une analyse assez développée de cette dernière.
Ma tâche s'est révélée comme plus difficile que je ne l'avais cru au début. Une partie des matériaux hétérogènes qu'il m'a fallu mettre en œuvre reflétaient les opinions et les expériences d'un homme qui, à différentes phases de sa vie, a eu davantage d'occasions d'observer le socialisme en action que ce n'est généralement le cas pour les non-socialistes et qui a réagi sans préjugés à ses observations. Je n'ai pas désiré oblitérer les traces de ces réactions personnelles : si j'avais cherché à les effacer, ce livre aurait perdu beaucoup de l'intérêt qu'il est susceptible d'avoir.
De plus, ces matériaux reflétaient également les efforts analytiques d'un homme qui, tout en s'efforçant honnêtement de sonder au-dessous de la surface, n'a jamais fait pendant longtemps du socialisme l'objet principal de ses recherches professionnelles et qui, par conséquent, a beaucoup plus à dire sur certains sujets que sur certains autres. Afin d'éviter de créer l'impression que j'ai visé à écrire un traité bien équilibré, j'ai pensé que le mieux était de regrouper mes matériaux autour de cinq thèmes principaux. Bien entendu, des liaisons et des passerelles ont été ménagées entre eux et j'ai obtenu, je l'espère du moins, un résultat analogue à une unité systématiquement de présentation. Néanmoins, il s'agit essentiellement d'une série d'études analytiques presque autonomes, bien que non indépendantes.
Dans la première partie j'ai résumé, sous une forme non technique, ce que j'avais à dire - et ce que, effectivement, j'ai enseigné pendant quelques dizaines d'années - sur le sujet de la doctrine marxiste. De la part d'un marxiste, il serait naturel de préluder à la discussion des principaux problèmes du socialisme en exposant l'Évangile du Maître. Mais, dira-t-on, à quoi bon présenter une telle exposition dans le hall d'un édifice construit par un non-marxiste ? C'est que ce non-marxiste a tenu, ce faisant, à témoigner qu'il croit à l'importance unique du message de Marx, importance, au demeurant, complètement indépendante de l'acceptation ou du rejet de ce message. Cependant nous reconnaissons que la lecture de cette partie de notre livre est laborieuse. Aucun des outils forgés par Marx n'est d'ailleurs employé dans le reste de l'ouvrage. Par conséquent, bien que les conclusions auxquelles nous avons abouti soient constamment rapprochées des dogmes énoncés par le grand penseur socialiste, les lecteurs que le marxisme n'intéresse pas peuvent directement passer à la deuxième partie.
Dans cette seconde partie - Le Capitalisme peut-il Survivre? j'ai essayé de montrer qu'un type socialiste de société émergera inévitablement de la décomposition non moins inévitable de la société capitaliste. De nombreux lecteurs pourront s'étonner que j'aie tenté une analyse aussi laborieuse et complexe aux fins d'établir une thèse qui, de nos jours, tend rapidement à être universellement acceptée, même par les conservateurs. La raison de mon insistance est la suivante : bien que, pour la plupart, nous tombions d'accord sur le dénouement final, nous différons d'avis en ce qui concerne la nature de l'évolution qui est en train de tuer le capitalisme et le sens précis qu'il convient d'attacher au terme « inévitable ». Étant convaincu que la plupart des arguments mis en avant sont erronés, j'ai estimé qu'il était de mon devoir de prendre (et d'infliger au lecteur) beaucoup de peine pour aboutir finalement à une conclusion paradoxale : le capitalisme est en voie d'être tué par ses réussites mêmes.
Ayant constaté, comme nous le vérifierons, je le crois, que le socialisme est une proposition qui peut devenir immédiatement réalisable sous l'influence de la deuxième guerre mondiale, nous examinerons à vol d'oiseau dans la troisième partie - Le Socialisme petit-il Fonctionner? - toute une série de problèmes relatifs aux conditions dans lesquelles on peut escompter que le régime socialiste sera une réussite sur le plan économique. C'est dans cette partie que le traitement des différents thèmes, y compris les problèmes de « transition », est le mieux équilibré. Les résultats des travaux sérieux qui, jusqu'à ce jour, ont été consacrés en petit nombre à cette question ont été tellement faussés par l'amour ou la haine que la simple réaffirmation d'opinions largement admises nous a paru se justifier en différents endroits.
La quatrième partie - Socialisme et Démocratie - constitue une contribution à une controverse qui s'est développée aux États-Unis depuis un certain temps. Mais il convient d'observer que seule une question de principe est traitée dans cette partie. Les faits et les commentaires afférents au sujet sont dispersés dans tout le corps de l'ouvrage.