Epigramme au descendant de Pépin-le-Bref
Quatre siècles ont passé depuis le soir fatal
Ou Julien Dagobert à la lueur d’un fanal
Entendit des soudards lui chanter une chanson
Celle d’un roi célèbre dont-il portait le nom
Après que la maison ait été saccagée
Entièrement détruite, les archives brûlées ...
C’était un jour néfaste que ce dix de juin
Cinq cent soixante quatorze, après mil, aussi loin !
Saint Lô était tombée aux mains des Catholiques
Des féroces ligueurs, de mémoire tragique,
Dont un chef, Matignon, lieutenant de Brissac
Avait promis juré, d’un manoir faire le sac :
Celui de Dagobert, pour venger un affront
Commis sur la personne d’Artus, frère second
De Charles de Brissac, célèbre Maréchal
Plus tard récompensé pour de la capitale
Avoir donné les clefs au bon roi Henri Quatre ...
Mais pour l’heure il fallait se rendre en toute hâte
Vers ce petit manoir, fief du sire Dagobert,
Huguenot sans respect, comme les religionnaires,
Qui mirent l’évêque Artus sur un Aliboron,
Le tournant vers la queue, habillé d’un jupon
Le chef coiffé de mitre, encore plus ridicule
Pour le peuple assemblé, devant ce véhicule.
Voici doncques comment, Julien Dagobert
Avait mis non culotte, mais évêque à l’envers !
Ce n’était pas méchant, mais le puissant seigneur
Jura de se venger : il attendit son heure ...
La prise de Saint Lô, lui donna l’occasion
D’assouvir celle-ci, grâce au sire Matignon
Qui eut en récompense, pour tous ces bons offices
Baronnie de Saint Lô, ce qui sembla justice
A ce glorieux prélat qui s’étouffait de rage
Et voulut se venger sans faire de carnage
En ridiculisant celui qui le prenait
Pour un noble bâtard chevauchant un baudet !
Quatre siècles ont passé, et de nos jours aussi
Un Matignon vendrait son âme pour baronnie ;
Qu’il s’appelle Asmodée, Tartuffe ou bien Basile
Il a comme ceux-ci, un esprit fort agile ...
Toujours dans le sillon d’un quelconque notable
Pour glaner les honneurs et les dessous de table.
Quatre siècles ont passé, mais la vieille Maison
A souvenir, encore, des guerres de Religions
Le destin a voulu, qu’après autant d’années
Brissac et Dagobert fussent encore confrontés
Non plus en Normandie, mais en ville de Nantes
Réputée autrefois pour être tolérante,
Avant que Louis-le-Grand, pour complaire au clergé
L’Edit de Henri Quatre ait bientôt révoqué ;
Obligeant des Normands à quitter leur pays,
A moins d’abjuration ce que Dagobert nie.
Pour Brissac, point d’ennuis : fortune suit les honneurs !
Il suffit d’être habile et d’être serviteur :
D’un roi, d’un empereur, ou d’une république,
Et de bien s’entourer d’une servile clique ...
L’important est d’avoir, au beurre toute l’assiette,
Le pot de confiture et la miche, non les miettes ...
A moins de les laisser à un diable « mal cuit »
Féal de ces Nantais, Grands-Maîtres es calomnie
Comme fut Matignon, en ce soir mémorable
Lorsqu’il fit le malheur d’une famille honorable.
Mais depuis quatre siècles, bien des choses ont changé
Grâce à la République, grâce à la liberté
Chacun peut protester, sans peur, comme ses ancêtres
Et juger des méfaits de ceux qui sont les maîtres
Afin de les confondre, lorsqu’ils veulent nous conter
La belle histoire de France par eux enjolivée.
C’est ce que fit Brissac, prénommé Charles-Henri
En flattant sans pudeur sa généalogie
Devant une assemblée quelque peu étonnée
D’entendre de sa bouche histoire ainsi contée
Et plus précisément, celle de ses ancêtres
Dont Charles, Maréchal ! et non point simple reître ...
Un galant compagnon ! Qui avecque François,
Partagea les faveurs d’un vrai morceau de roi !
Aux dires de Charles-Henri, Gabrielle d’Estrées
Fut donc maîtresse de Charles et de François Premier !
Hélas ! Quelle bévue ! Monsieur le Descendant !
Ce n’était pas François mais bien le Vert-Galant
Qui fut près de dix ans amant de Gabrielle,
Laquelle fut bien loin d’avoir été pucelle !
Celle-ci, en effet, maîtresse de Bellegarde
Fit la moue quelque temps pour enlever ses hardes
Devant le roi Henri qui tant voulait l’aimer ...
Y parvenant enfin, mais pas très assuré
De sa bonne fortune, sa conquête il surprit
Avec son jeune amant, se livrant au déduit
Prestement sous l’alcôve, Bellegarde laissa place
Au Vert Galant son maître, qui masqua sa grimace
Pour sans plus de manière, de la belle pouvoir jouir
Laissant l’infortuné sous le lit des soupirs !
Quand le roi eut fini son amoureux combat,
Il fut pris tout à coup d’un creux à l’estomac
Un pot de confiture traînait là, près du lit ;
Il s’en régala fort, puis rassasié, il dit
Au malheureux amant de la belle, pensive :
« Allons, manges que diable ! Il faut bien que tu vives !
Or, donc en cette affaire, aucun Brissac n’était
Si ce n’est un ligueur qu’autre souci hantait :
Faire pièce aux Huguenots, là bas en Normandie,
Puis revenir après pour protéger Paris
Etait plus important pour sa promotion
Que de perdre son temps après un cotillon
Car l’attrait de l’argent et le goût des honneurs
Lui fit oublier femmes, mais Henri fut vainqueur !
Se ralliant alors, Brissac fut Maréchal,
Faisant démonstration d’un caractère vénal
Pour le plus grand profit de sa postérité
Dont il existe à Nantes un heureux héritier.
C’est donc ainsi, vraiment, que depuis tant d’années
Un pot de confiture à Brissac fut donné !
Qu’il se méfie pourtant, Monsieur le Sénateur
De ses nombreux amis, auxquels il fait honneur,
Car notre République, un peu comme Gabrielle
Pourrait bien renvoyer ceux qui se moquent d’elle ...
A moins qu’elle ne meure de ses nombreux bâtards
Qu’elle a de ses amants qui la prennent pour poire.
Auquel cas, il y aurait tout à craindre de l’avènement du « Grand Monarque », celui qu’a annoncé Nostradamus au quatrain LXXII de la Centurie X dans les « Vrayes Centuries et Prophéties » qui avaient tant intrigué la reine Catherine de Médicis :
« L’An mil neuf cent nonante neuf et sept mois
« Du ciel viendra un grand Roy d’effrayeur ... »
A cette date, si Dieu me prête vie, je me souviendrai avec émotion du centième anniversaire de la naissance de mon père, René Dagobert ... Sans doute, ce ne sera pas le retour du « bon roi Dagobert » de la chanson, mais, peut-être celui d’un dictateur, le « grand Roy d’effrayeur » que le peuple français aura appelé pour mettre de l’ordre dans une société décadente parce que la classe politique de la Cinquième République n’aura pas fait bon usage de la Liberté et de l’Egalité. Parce qu’elle n’aura pas respecté les Droits de l’Homme et les principes fondamentaux de la République, celle des Cousins de l’An II.
Mais aussi, parce qu’elle n’aura pas mis en pratique la Fraternité enseignée par celui qui aurait dû régner sans partage sur les cœurs depuis 2000 ans un Juif nommé Jésus, descendant des Rois d’Israël, chef de la Résistance à l’Occupation romaine …
C’est pourquoi des millénaires de civilisation occidentale ont finalement abouti à Auschwitz et au Goulag en ce vingtième siècle qui s’achève.
Ce Juif et sa famille avaient fui la Palestine pour échapper au massacre et à la déportation par les armées des empereurs romains.
Ils avaient trouvé refuge en Gaule dans le Razès.
Nantes 15 novembre 1988 - 14 juillet 1990.
Roger-René Dagobert,
Citoyen français, libre penseur.
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