Pour la première fois de notre histoire, la population urbaine dépassera à la fin de ce siècle la population rurale. Réceptacles de la croissance démographique et des phénomènes migratoires, les villes sont des témoins de l'émergence de conditions d'inégalités sociales qui engendrent des dysfonctionnements de toute nature, qui conduisent à la marginalisation de plus en plus rapide de couches de plus en plus larges de la population et portent en eux le germe d'une dégradation inacceptable des conditions de cohésion indispensable a toute organisation humaine tournée vers le Développement et le bien être.
L'accès au logement, à la santé, a l'éducation, les opportunités d'emploi sont de plus en plus inaccessibles à beaucoup d'habitants et entraînent nos villes dans une spirale de pauvreté, d'exclusion, de violence et d'insécurité.
Cette évolution que connaît la plupart des villes et aires métropolitaines atteint son paroxysme lorsque les Etats ne peuvent plus assurer les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de mécanismes de redistribution et de solidarité. C'est le cas dans de nombreuses régions du monde ou règnent la guerre, des nationalismes belligérants, les luttes ethniques ou religieuses. C'est le cas également dans de nombreuses régions où la démocratie est en régression.
Mais la ville, c'est aussi le lieu où se concentrent les rêves, l'accès a la culture, aux services d'une manière générale; ce sont des espaces complexes propices à la création industrielle, artisanale; ce sont des espaces ou se forgent progressivement de nouveaux rapports humains, où se revendique une nouvelle citoyenneté. Ainsi, les maires, les élus locaux, leurs équipes administratives et techniques, les responsables de communautés de base sont comptables au jour le jour de cette confrontation des inquiétudes et des espoirs des populations.
Elles ne le sont pas de manière abstraite, elles sont le niveau le plus proche de la population et des espoirs qu'elle forge: assurer un accès équitable aux services et aux équipements, assurer un accès équitable a l'emploi et finalement assurer un développement et une cohésion sociale.
Confrontes aux problèmes concrets, capables de réunir toutes les parties prenantes dans la définition de stratégies de développement local partagé, les autorités locales sont porteuses d'une dynamique de "gouvernance locale" sans laquelle les politiques sectorielles ou les approches
compartimentées sont rarement pertinentes face à la globalité des problèmes d'exclusion.
Une partie importante du défi développement social se joue donc dans les villes et il faut d'abord que la communauté internationale et les autorités nationales le reconnaissent et élaborent progressivement les réformes des systèmes institutionnels permettant de développer et de renforcer la décentralisation qui articule de manière différente l'exercice des responsabilités.
Cette décentralisation ne doit pas être qu'un exercice de transfert de responsabilités mais leur organisation et l'affectation de moyens correspondants aux niveaux les plus adaptent suivant un principe de subsidiarité active.
Les maires du monde entier doivent aussi reconnaître que le traitement de l'exclusion suppose de faire une place réelle à la parole et a l'initiative des exclus eux mêmes ou de ceux qui sont en passe de le devenir.
Nous devons en tant que réseaux internationaux de villes ou autorités locales appeler les maires du monde a initier un diagnostic de leurs situations locales, à accorder une priorité au développement social et à la mise en oeuvre de stratégies négocies pour le promouvoir, à accorder enfin une attention prioritaire aux couches les plus démunies de la population.
C'est ce constat général et cette ambition commune qui animent les principales organisations internationales de villes et autorités locales depuis la conférence sur l'environnement durable qui s'est tenue à Rio en 1992.Regroupées dans le cadre du Groupe 4, les principales associations internationales conduisent depuis lors un dialogue et une coopération soutenue avec le système des Nations Unies pour faire reconnaître et partager ces orientations.
La convocation a New York, en août dernier, d'une Conférence des Maires sur le Développement Social organisée par le Programme des Nations Unies pour le Développement a constitué un pas important dans cette voie qui me permet aujourd'hui au nom du Groupe des 4 de présenter ici trés brièvement la contribution du mouvement mondial des villes.
La prochaine Conférence Habitat II devrait permettre aux villes et autorités locales du monde d'etre au centre des débats sur le développement et l'environnement durable et d'être, nous l'espérons, reconnue comme partenaire essentiel de l'élaboration des stratégies et programmes d'aide au développement.
Parce que les villes sont un niveau de reconstruction de cohésion sociale et de solidarité au niveau local, leur mouvement est un facteur de démocratisation des relations internationales qui couvrent maintenant toutes les dimensions de la vie économique, sociale et culturelle et excède largement le cadre des compétences et des possibilités des seuls gouvernements.
Un projet global a caractère universaliste qui s'appuie sur le progrès économique, le respect de l'environnement, sur les libertés publiques et les droits fondamentaux de l'homme, sur une citoyenneté locale solidaire du monde, doit aujourd'hui constituer un fondement de la ville et de sa présence internationale.
Les villes et autorités locales croient à la possibilité de mettre en oeuvre ce projet.
Pour cela, elles revendiquent que les recommandations de la présente Conférence prennent en compte les déclarations antérieures du Sommet de la Terre à Rio, du Colloque des Maires de New York et sollicitent de la présente Conférence:
‑ que l'Organisation des Nations Unies accorde aux autorités locales et a leurs associations un statut propre qui leur permette de faire entendre leurs voix et d'influencer concrètement les débats et décisions qui les Concernent ainsi que les citoyens qui vivent dans les villes;
‑ qu'elle incite les gouvernements respectifs à reconnaître le rôle essentiel des collectivités locales dans la mise en oeuvre de stratégie de développement social et dans la participation des collectivités locales a l'édification de nouvelles solidarités mondiales;
‑ qu'elle incite ces mêmes gouvernements a reformer leur système institutionnel pour accroître leur rôle des autorités locales sans pour autant abandonner leurs responsabilités qui sont d'assurer à chacun le respect des droits fondamentaux de l'être humain;
‑ qu'elle demande aux maires et responsables du monde entier de considérer la reconquête d'une cohésion sociale au niveau local comme une priorité de leur fonction et de leur mandat;
‑ qu'elle affirme que l'echange et la coopération directe entre les villes et autorités locales du monde constituent à la fois un facteur d'accélération d'une doctrine et de pratiques à capitaliser et à diffuser au niveau mondial et un champ de solidarité indispensable à la recomposition d'un équilibre mondial prenant mieux en compte l'homme et son bien être;
‑ qu'elle demande que des programmes spécifiques de coopération tant bilatéraux que multilatéraux soient directement accessibles aux autorités locales et qu'une part plus importante de cette aide au développement soit orientée vers le milieu urbain.
Les associations de villes sont conscientes des difficultés, des changements de comportement et même des a priori auxquels une telle évolution peut etre confrontée. Elles sont déterminées à d'abord s'organiser entre elles, à renforcer leur coordination et leur coopération, mais elles savent que leur mouvement est irréversible, qu'il est déjà pris en compte dans le cycle de préparation de
la plupart des grandes conférences des Nations Unies, qu'il est un des facteurs retenus dans les réflexions sur la finalité et les modalités de l'aide au développement.
Cette évolution tout à fait positive a d'ores et déjà permis une concertation entre les Nations Unies et le mouvement des villes pour convoquer dans le cadre de la Conférence Habitat II la première assemblée mondiale des villes et autorités locales qui permettra de consolider ce mouvement des villes, d'évaluer les progrès accomplis et de formaliser une structure unifiée de représentations internationales des autorités locales. Je vous remercie.
Jorge Sampaio
Fédération Mondiale des Cités Unies
22 rue d'Alsace, F-92532 Levallois Perrett Cedex, France
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