Capturer un insaisissable photon, observer cet infime grain de lumière durant tout le cours de son existence alors qu'un simple regard suffit à l'annihiler. Ce rêve de physicien semblait si inaccessible qu'Albert Einstein en avait fait une "expérience de pensée", une de ces hypothèses où l'imagination du génie éprouvait la validité des théories. Une équipe française du laboratoire Kastler-Brossel (Ecole normale supérieure, Collège de France, CNRS, université Paris-VI) vient de la rendre réelle grâce à un "chef-d'oeuvre expérimental", selon un commentaire indépendant des travaux publiés dans Nature du jeudi 15 mars 2007.
Son dispositif permet, pour la première fois, d'étudier un photon sans que cela revienne à autopsier un cadavre. Messager de la lumière jusqu'au sacrifice, le corpuscule disparaît en effet en livrant son information. Nos yeux, comme les détecteurs des scientifiques, l'absorbent irréversiblement en l'enregistrant. Nous ne voyons un objet dans la durée que parce que des photons toujours nouveaux portent son image vers notre oeil.
A la différence des particules élémentaires de la matière, ces grains de lumière ne peuvent donc supporter la répétition des mesures scientifiques, la première d'entre elles les détruisant. "Ils sont faciles à détecter, mais nous ne pouvions que les décrire au passé, explique Jean-Michel Raimond, coauteur de l'article dont les premiers signataires sont Sébastien Gleyzes et Stéphane Kuhr. C'est ce qui fait tout l'intérêt de notre expérience, qui permet une analyse in vivo." "Nous réfléchissions à ce dispositif de mesures non destructrices depuis plus de quinze ans, dit Serge Haroche, qui cosigne également l'étude. Nous n'avons réussi qu'aujourd'hui, grâce à une conjonction d'avancées techniques."
La supraconductivité, qui se manifeste à des températures très proches du zéro absolu (- 273,15 °C) a permis aux chercheurs d'accomplir le premier pas. Grâce à ce phénomène, ils ont pu réaliser une boîte, une "cavité" formée de deux miroirs en niobium, ultra-réfléchissants et refroidis à quelques dixièmes de degrés du zéro absolu. "Si la température pouvait y être nulle, il ne se passerait plus rien dans la boîte, explique Michel Brune, coauteur. Mais ce froid presque parfait n'a pas éliminé un rayonnement thermique résiduel qui subit des fluctuations." Selon les calculs précis de la physique quantique, ces fluctuations ont 5 % de chances de conduire, à chaque instant, à la formation d'un photon unique.
Apparu dans la boîte grâce à ce "saut quantique", ce corpuscule, qui correspond à une quantité minimale d'énergie (un quantum, selon le terme qui a donné son nom à la théorie), s'y retrouve piégé. A la vitesse de la lumière, il rebondit plus d'un milliard de fois entre les deux miroirs, pendant une durée de vie moyenne de 0,13 seconde, qui lui permet de parcourir l'équivalent de la circonférence de la Terre (40 000 km). Puis il disparaît dans un nouveau saut quantique, la plupart du temps absorbé par les imperfections des miroirs.
Comment vérifier, de l'extérieur, que ce qui se passe dans la boîte correspond bien aux prédictions théoriques ? Pour y parvenir, les physiciens ont eu recours aux vertus du rubidium. La régularité du battement des électrons, au sein des atomes de ce métal, les pose en élément central des horloges atomiques. Les chercheurs leur ont trouvé une autre qualité : ils peuvent croiser un photon sans l'absorber. La seule modification pour les électrons du rubidium sera un infime retard dans leur battement de métronomes.
Dès lors, l'idée a été de faire traverser le piège glacial par un flux d'atomes de rubidium, à la queue leu leu. "Nous les mesurons à l'entrée et à la sortie, explique M. Brune. Tant qu'un photon n'est pas apparu, ils restent en état 0. Dès qu'il est là, ils passent en état 1, jusqu'au retour à la normale qui signale la disparition du photon." L'expérience a ainsi pu confirmer, en temps réel, les hasards des sauts quantiques qui conduisent à la naissance puis à la mort d'un photon unique. Celui-ci a pu être mesuré des centaines de fois sans destruction. Conformément aux prévisions, certains captifs ont dépassé leur espérance de vie moyenne. L'un d'eux, baptisé Mathusalem au sein de l'équipe, a même tenu une demi-seconde.
Les chercheurs ont également expérimenté avec succès une technique qui permet de ne pas avoir à patienter et de déposer d'emblée un photon dans sa cage, grâce à un premier atome, chef de file spécialement préparé pour cette tâche. A l'avenir, en faisant apparaître davantage de grains de lumière dans le piège, ils espèrent aussi pouvoir mieux étudier une des vieilles douleurs d'Einstein, après avoir réalisé son rêve. Ils pourront explorer la frontière, pour l'heure encore floue, entre les phénomènes quantiques, si déroutants pour le sens commun, et ceux, plus classiques, qui prévalent à nos échelles.
Jérôme Fenoglio
Serge Haroche : "Il y a une contradiction entre le temps des politiques et le temps de la recherche"
Le Monde.fr | 11.10.2012 à 17h11 • Mis à jour le 11.10.2012 à 17h12
Par Audrey Garric et Pierre Le Hir (Chat modéré par )
Dans un chat au Monde.fr, le Français Serge Haroche, nouveau Prix Nobel de physique, professeur au Collège de France et chercheur à l'Ecole normale supérieure, insiste sur l'importance de développer la recherche, tant sur le plan financier que sur le plan de la réforme des structures et l'amélioration des conditions faites aux jeunes chercheurs. Il appelle par ailleurs à maintenir, aux côtés de la recherche appliquée, le champ de la recherche fondamentale, "qui constitue le socle sur lequel tout le reste est possible" et "doit être motivée par la curiosité intellectuelle pure".
Isabelle : Pouvez-vous nous expliquer quel est l'objet de vos recherches ?
Serge Haroche : Ce que je fais, c'est essayer de manipuler et d'étudier le comportement d'atomes isolés ou de grains de lumière isolés, les photons. On prend la matière et la lumière au niveau le plus microscopique possible, et on les met ensemble pour voir comment ils se comportent. On étudie ainsi l'interaction entre la matière et la lumière.
A ce niveau microscopique, ces systèmes obéissent aux lois de la physique quantique. Ce sont des lois contre-intuitives qu'il est difficile de visionner avec notre approche macroscopique du monde. En faisant ces expériences, on révèle les lois de la nature à l'échelle microscopique.
Photon : Souvent, les journalistes ou le public demandent aux chercheurs : à quoi servent vos recherches ? Que leur répondez-vous ?
Ce que je fais, c'est de la recherche fondamentale, donc a priori, elle ne sert à rien d'immédiat. Elle est fondée sur de la curiosité pure, il s'agit de comprendre le monde qui nous entoure, et par là-même, on acquiert les moyens de diagnostic, de mesure et d'action de plus en plus précises. Les applications viennent ensuite.
Très souvent, lorsqu'une recherche fondamentale est menée, on ne sait pas quelles sont les applications qui vont en résulter. Mais ce qui est sûr, c'est que si la recherche fondamentale n'a pas été faite en amont, le terreau nécessaire aux applications ne sera pas là.
Rousseau : Quelles ont été les applications pratiques de vos travaux ?
Pour l'instant, il n'y a eu aucune application pratique. Mais on peut entrevoir le développement d'appareils plus précis, plus sensibles pour mesurer de petits effets physiques. Un exemple, issu des travaux de David Wineland [co-lauréat du prix Nobel de physique 2012] : la mise au point d'horloges atomiques qui sont déjà 100 fois plus précises que les horloges atomiques actuelles. Ces horloges seront des détecteurs de petites variations du champ de gravitation, avec des applications à la sismologie et à la géophysique en général.
Boson : Au cours de votre carrière avez-vous ressenti une évolution de la posture des pouvoirs publics vis-à-vis de la science fondamentale versus la science appliquée ?
Il y a effectivement une tendance qui s'est développée à essayer de pousser le curseur plus vers les applications que dans la recherche fondamentale. On a demandé à une certaine période de plus en plus aux chercheurs de motiver leurs recherches par des applications potentielles.
Il ne faut pas pousser cette dérive trop loin, car cela se fait au détriment de l'esprit de la recherche fondamentale, qui doit être motivée par la curiosité intellectuelle pure. Il faut donc trouver un équilibre entre le support que l'on donne à la recherche fondamentale désintéressée et les crédits donnés à la recherche appliquée.
Positionner le curseur entre ces deux aspects de la recherche est essentiel. Il faut toujours garder à l'esprit l'importance de la recherche fondamentale, qui constitue le socle sur lequel tout le reste est possible.
Photon : Avez-vous dû souvent justifier l'intérêt de vos recherches auprès des décideurs, pour obtenir des budgets ?
En ce qui me concerne, j'ai eu la chance de travailler dans un milieu relativement protégé de cela à l'Ecole normale supérieure, où l'intérêt de la recherche fondamentale a toujours été bien compris.
Néanmoins, on sent, lorsqu'on demande des crédits, en particulier aux agences européennes qui financent la recherche, la tentation qu'elles ont d'exiger, de façon que je trouve trop contraignante, ce qu'on appelle des projets définissant des étapes pour la recherche. La recherche conduit par définition à des découvertes imprévues, et demander aux chercheurs de trop la planifier est à mon avis un contresens.
Boson : Si vous aviez fait vos recherches à l'étranger, les choses auraient-elles été plus simples pour vous ?
Pour moi, je ne pense pas, car j'ai travaillé dans un laboratoire qui a toujours été bien traité par le CNRS et dans lequel la recherche fondamentale a été bien comprise. Ce qui est peut-être plus difficile pour des chercheurs en France, c'est la complexité des structures, le fait que les différentes agences qui financent la recherche sont imbriquées les unes dans les autres, l'existence côte à côte de structures parallèles qui viennent compliquer les démarches lorsqu'il s'agit de demander les crédits, qui rendent la bureaucratie un peu trop envahissante.
Je pense que l'heure est actuellement à la simplification de ces structures, qui est l'un des objets des Assises pour la recherche qui se déroulent actuellement.
Boson2 : Que ferez-vous de la somme [930 000 euros] qui vous a été alouée avec le prix Nobel ? La reverserez-vous à votre laboratoire ?
La question est prématurée, mais elle m'a déjà été posée par mon banquier... Je n'y ai pas encore réfléchi. Mais en général, cette somme n'est pas réinvestie. A l'échelle des laboratoires, c'est une somme modeste.
Dominique Dehareng : Je suis chercheuse scientifique à l'université de Liège. Depuis déjà plusieurs années, il y a un malaise lié à l'évolution de plus en plus productiviste et mercantile que les universités doivent prendre pour se conformer aux attentes socio-politico-économiques. Les chercheurs sont notamment de plus en plus sous le joug de l'obligation de résultats utilisables à court ou moyens termes. En réaction, on voit se former des mouvements tels que Slow Science ou le mouvement des désexcellents. Partagez-vous la position de réaction de ces mouvements ?
Je suis d'accord avec vous pour dire que la recherche scientifique est une démarche sur le long terme. Un groupe de recherche sur une thématique donnée ne devient productif et n'obtient des résultats intéressants qu'après un long développement. Il faut lui laisser, à partir du moment où on a reconnu la qualité des personnes, le temps de faire mûrir son projet. Cela est en contradiction avec les structures politiques de la société, qui demandent des résultats au court terme.
Il y a une contradiction entre le temps des politiques, et le temps de la recherche. Ce problème se pose aussi pour les grands problèmes de la société. Il faut essayer de faire comprendre aux politiques la nécessité des constantes de temps longues pour la recherche.
Krypton : La place de la France dans les pays leaders en recherche fondamentale est-elle menacée ?
La place de la France est relativement bonne au niveau européen et mondial. Elle est soumise à une concurrence importante, en particulier des pays émergents - l'Asie du Sud-Est, la Corée, la Chine... qui développent des efforts très importants. Ils le font dans un cadre administratif souple et simple, surtout à Singapour. Il va donc falloir bien garder sa place dans ce contexte très compétitif.
Mais la France a des atouts, en particulier celui de la tradition scientifique profondément ancrée, et l'humanisme qui fait qu'en France on s'intéresse non seulement aux sciences exactes, mais aussi aux sciences humaines, et que le progrès de la connaissance est un tout. Il faut un équilibre entre ces deux sciences, équilibre qui a été traditionnellement recherché en France dans les milieux universitaires. Il faut maintenir cette tradition et en même temps lui donner les moyens de se développer en développant des structures simplifiées et bien sûr en y accordant les crédits nécessaires.
Rémi : La recherche est-elle encore un domaine attractif pour les étudiants ?
Younes : Quand on voit que de brillants étudiants en grandes écoles d'ingénieurs se tournent souvent vers des carrières plus lucratives comme la finance ou le conseil, on se demande si l'Etat ne devrait pas faire un effort pour les inciter à se tourner vers la recherche. Qu'en pensez-vous ?
Sur le plan intellectuel, je suis sûr que la recherche intéresse les esprits des jeunes, car ils sont naturellement curieux. Le problème est d'arriver à canaliser cette curiosité naturelle vers des études et des carrières scientifiques. Des efforts ont été accomplis en ce sens, je pense en particulier à l'opération "La main à la pâte" qui a été initiée par Georges Charpak, Prix Nobel de physique il y a une vingtaine d'années, qui a canalisé la notoriété que lui avait apportée le prix pour lancer et développer cette opération, qui consistait à initier des enfants de classe primaire à la science de façon concrète, en leur faisant mettre littéralement la main à la pâte. Je pense que cet effort devrait être amplifié et développé au niveau des études secondaires également.
La recherche en sciences demande une formation approfondie, l'acquisition de connaissances très poussées. Cela demande beaucoup de temps, ce qui est contradictoire avec les possibilités offertes par l'immédiateté des moyens de communication actuels. Google et l'Internet sont très utiles pour trier des connaissances une fois qu'on les a acquises, ils ne peuvent pas à eux seuls constituer un moyen d'acquisition des connaissances. La formation doit donc trouver un équilibre entre ce qui nécessite le long terme et l'effort individuel et ce qui peut être accessible immédiatement par les moyens rapides de communication.
On est à une période de transition où il faut trouver de nouvelles manières de former les jeunes, mais je suis sûr qu'on peut y arriver, car la recherche, le besoin de connaissance sont des choses passionnantes.
Neutrino : Peut-on devenir physicien à tout âge ?
On peut s'intéresser à la physique à tout âge, mais la recherche est un métier, et ce métier ne peut être acquis que sur la base de connaissances accumulées. La meilleure période pour acquérir ces connaissances, c'est la jeunesse et la période des études. Il me semble donc difficile de devenir un physicien si on n'a pas au départ la formation nécessaire.
MMG : Quels sont les principaux traits de caractère et qualités que vous jugez importants en tant que chercheur ?
La première qualité, c'est la curiosité. Il faut avoir, chevillés à l'âme, la curiosité, le besoin de comprendre et de savoir. La deuxième, c'est l'imagination, être capable à partir de situations connues d'en imaginer de nouvelles qui peuvent être sources de résultats inattendus. Ensuite l'intuition : savoir associer des idées apparemment différentes, voir leurs points communs et voir à quoi cela peut conduire. Et il faut aussi avoir de la chance, même si celle-ci n'est pas suffisante.
Pour conclure, je dirai que certaines de ces qualités sont les mêmes qui sont nécessaires à un bon artiste.
MMG : Quels conseils donnez-vous aux jeunes chercheurs qui travaillent avec vous ? Ou qui rêvent de le faire ?
C'est une question essentielle : il ne suffit pas d'avoir les qualités intellectuelles, il faut avoir la possibilité de travailler dans des conditions matérielles décentes, pouvoir consacrer son esprit aux choses qui vous passionnent sans avoir à lutter pour avoir des moyens. Il faut des salaires décents au départ, et des perspectives de carrière et de promotion décentes.
Un grand nombre d'étudiants brillants vont vers la finance ou l'économie, c'est humain, car ces carrières sont plus lucratives. Il faut rendre les carrières scientifiques plus compétitives par rapport à ces carrières.
Olivier ertzscheid : Beaucoup de vos travaux sont disponibles en "open access". C'est important pour vous ?
Bien sûr. Il est important que la communication des résultats de la science soit accessible de la façon la plus vaste, simple et économique possible.
Pierre : Il y a beaucoup de domaines dans lesquels faire de la recherche. Pour vous, faire de la recherche fondamentale était-il une évidence dès le début ?
Dès les études en secondaire, j'ai été passionné par les mathématiques et par le lien entre maths et physiques. Donc j'ai tout de suite pensé que c'est ce que je voulais faire. J'ai eu une vocation pour ça, effectivement.
Devaux : Quels sont les goûts littéraires d'un scientifique accompli comme vous ? Trouvez-vous dans vos passions culturelles certaines sources d'inspiration à vos recherches ?
J'aime beaucoup la peinture, l'art en général, et je suis un fan des musées. Je suis amené à voyager beaucoup dans le monde pour des raisons professionnelles, et lorsque je fais ces voyages, j'en profite pour visiter les musées. Je suis très sensible aux parallèles qui existent entre la science et l'art : une belle expérience scientifique a une qualité comparable à celle qu'on peut trouver à une œuvre d'art.
Très souvent, un projet artistique est un projet sur le long terme, et il y a là aussi un parallèle avec les projets scientifiques. Je pense en particulier à l'exposition sur le tableau de Vinci, représentant Sainte-Anne et le Christ, qui montre que pendant 25 ans Vinci avait été obsédé par ce tableau.
MMG : Quels sont les scientifiques qui sont vos héros ?
Bien sûr, des gens comme Newton et Galilée. Au XXe siècle : Einstein, Bohr, Schrödinger. Ce sont eux qui ont révolutionné notre compréhension du monde il y a moins de cent ans.
Bob : Quel avenir voyez-vous aux grandes machines (LHC, ISS, Genopole, ITER) ? On a pu voir récemment Georges Charpak critiquer le projet ITER...
Je pense qu'une grande machine comme le LHC [Grand collisionneur de hadrons1 en français, un accélérateur de particules] est un projet ambitieux, remarquable. Ce projet est basé sur une recherche qui répond à des questions liées à la simple curiosité : comment fonctionne la nature, quelles sont les blocs fondamentaux qui permettent de comprendre la nature ?
La découverte du boson de Higgs au CERN, en particulier, est un résultat fondamental dont on ne voit pas d'application pratique. Cette recherche a coûté beaucoup d'argent, mais cela est parfaitement justifié dans la mesure où la société et la civilisation doivent avoir comme un de leurs buts essentiels la satisfaction de la curiosité fondamentale : qui sommes-nous ? où allons-nous ?
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