LES GENRES ET LA CRITIQUE : LES GENRES EXISTENT-ILS ?
La notion de genre littéraire pose en effet au xxe siècle un véritable problème aux critiques et théoriciens littéraires, et toutes les questions qu’elle soulève restent sans réponse évidente et partagée malgré les différentes tentatives d’approches (historiques, rhétoriques, linguistiques, sociocritiques, thématiques, etc.). C’est une réelle querelle qui naît pour définir si la notion de genre existe ou non. Alors que Ludwig Wittgenstein parle de reconnaître un « air de famille » (Familienähnlichkeiten), le débat sur les critères d’une telle classification est passionné.
La classification héritée de celle d’Aristote est considérée au cours du xxe siècle en certains points comme arbitraire car, selon Tzvetan Todorov, la classification par genre repose « rarement sur une idée claire et cohérente du statut du genre lui-même ». Pour certains, en effet, le genre semble alors être une étiquette trop stricte et réductrice qui ne peut être justifiée. Le critique Karl Viëtor s’interroge quant à lui : « est-il possible d’écrire l’histoire des genres, quand aucune norme du genre ne peut être fixée au préalable, et quand, au contraire, cette norme du genre ne peut être établie qu’après une vue d’ensemble sur toute la masse des œuvres individuelles apparues dans l’histoire ? » (« l’Histoire des genres littéraires », Poétique, 1977). Et le critique Paul Hernadi d’ironiser : « il a souvent été plus facile de construire des systèmes de classification générique que d’en éviter d’inutiles » (1972). De fait, tout genre est en mouvement, et ses frontières se muent avec l’apparition de nouveaux textes, qui le remettent sans cesse en question (notamment la littérature du xxe siècle, qui bouscule les genres jusqu’alors « édifiés », voire qui les met à mal). En effet, selon le philosophe Benedetto Croce, « toute œuvre d’art vraie a violé un genre établi et dérangé les idées des critiques, qui ont été forcés d’élargir le genre » (Esthétique comme science de l’expression et linguistique générale, 1902). Gérard Genette préconise alors de considérer les genres littéraires comme des « classes empiriques, établies par observation du donné historique, ou à la limite par extrapolation à partir de ce donné ».